Jean-Marie Le Méné : “au fond de la loi Gaillot, il y a des motifs d’espérance”

Publié le 17 Jan, 2022

Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune a pris la parole lors de la Marche pour la vie, dimanche 16 janvier 2022. Gènéthique retranscrit son discours.

« Vous connaissez la boite de Pandore d’où s’échappent tous les maux de l’humanité et qu’il est trop tard pour refermer ? A chaque nouvelle transgression, on dit que la boite de Pandore est ouverte. Or, je ne crois pas que la loi Gaillot soit une boite de Pandore.

D’abord parce qu’il n’y a pas de différence de nature entre l’avortement à 14, 12 ou 10 semaines. Ce n’est pas plus grave moralement d’avorter à 14 semaines. A ce propos on rappellera que l’avortement est toujours possible jusqu’à 9 mois, pour les enfants handicapés, grâce à la loi Veil dont certains s’obstinent à saluer l’équilibre et la sagesse alors qu’elle entraîne deux fois plus d’avortements qu’en Allemagne ou en Italie (cf. De la loi Veil à la loi Gaillot).

Mais surtout, il faut se souvenir qu’au fond de la boite de Pandore d’où se sont échappés tous les maux de l’humanité, il restait l’espérance. Je risque donc de vous surprendre en vous montrant qu’au fond de la loi Gaillot, il y a des motifs d’espérance. Pour trois raisons, une qui tient au message, l’autre aux destinataires et la troisième à l’intention véritable du texte.

Pour la première fois, la promotion de l’avortement est associée à une vision d’horreur et de dégoût. En effet, parler d’avortement à 14 semaines, c’est admettre – et donc visualiser – la nécessité d’écraser la tête du bébé et de le démembrer. Ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les promoteurs eux-mêmes de l’avortement qui disent que cela les dégoûtent. Cela fait près d’un demi-siècle qu’on nous enjoint de ne pas décrire l’avortement comme une horreur pour ne pas exercer de chantage sur les femmes ni les culpabiliser. Mais aujourd’hui, ce sont nos adversaires qui nous donnent matière à illustration. Ils nous fournissent le texte et l’image, le poids des mots interdits et le choc des photos censurées. En bref, les idéologues viennent sur le terrain du réel, sur notre terrain, et là ils vont prendre cher ! Au fond, ils avouent qu’avorter c’est tuer, ce qui est déjà un bon début.

Ensuite, n’oublions pas que ce texte sur l’allongement à 14 semaines a été récusé par tous les professionnels de santé : l’ordre des médecins, l’académie de médecine, le syndicat national des gynécologues obstétriciens et le collège national des gynécologues et obstétriciens français se sont exprimés contre le texte (cf. Extension du délai légal pour avorter : Avis du CCNE, opposition du CNGOF, le texte sera discuté demain). C’est la première fois qu’on trouve une forme d’unanimité contre une forme d’avortement, en dehors de chez nous ! C’est aussi très prometteur parce que cette méthode qui consiste à se moquer des gens, « à emmerder les Français », en l’occurrence les médecins, va avoir une conséquence. On va assister à un effet d’éviction, comme en Italie où 70 % des médecins ont progressivement déserté la pratique de l’avortement (cf. Italie : Face aux demandes d’IVG, les objecteurs de conscience sont de plus en plus nombreux). Au passage, on notera à quel point l’avortement n’est pas un acte médical ni un soin parce qu’on n’a jamais eu besoin de forcer les médecins à faire de la médecine ! Alors qu’on a besoin de leur forcer la main pour pratiquer cet acte contraire à toute la tradition médicale depuis Hippocrate, il y a 2 400 ans…

C’est justement pour cela que la proposition de loi Gaillot a prévu la création d’un répertoire des « bons médecins » prêts à procurer l’avortement à 14 semaines. Cela signifie en creux que les réfractaires seront fichés comme de « mauvais médecins » (cf. Objection de conscience : « Le médecin n’est pas une machine »). Décidemment, c’est devenu une habitude de ficher les gens, les anti-ceci, les anti-cela, les gentils et les méchants, les citoyens et ceux qui ne méritent pas de l’être, ceux qui ont leur place dans le camp du bien et les autres. Ficher les gens est devenu un mode de gouvernement. Mais j’ai l’impression que les Français en sont lassés comme ils sont lassés de la confusion entre le sanitaire et le sécuritaire. Les médecins qui refusent l’avortement sont-ils des terroristes, des citoyens de seconde zone ? Faudra-t-il leur enlever l’autorisation d’exercer ? L’idée de ce fichier ne fonctionnera pas parce que ce n’est l’intérêt de personne d’y figurer, sauf pour le pouvoir politique de pouvoir compter les soutiens du « progrès sociétal ». Car tel est bien l’unique objet de cette loi qui est un marqueur politique : cliver pour ratisser à gauche en vue de l’échéance présidentielle.

Pour conclure, Mme Gaillot et son texte retourneront à un anonymat qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Seule restera la loi Veil, toujours inachevée, sans cesse parachevée. La loi Veil est comme un rhizome, cette ramification de racines souterraines qui poussent partout de nouveaux bourgeons qu’il est inefficace de couper parce qu’ils repoussent inévitablement. C’est bien ce système racinaire qu’il faut combattre. La loi Gaillot aura été l’occasion d’avancer quelques pions : oui l’avortement tue, nous ne sommes plus les seuls à le dire, et cette extension du délai a été imposée aux médecins qui n’en voulaient pas. Ceci constitue des premiers pas nécessaires et porteurs d’espoir.  »

Photo : Louis-Marie d’Orgeville

Jean-Marie Le Méné

Jean-Marie Le Méné

Expert

Haut-fonctionnaire, Jean-Marie le Méné est aussi l'un des fondateurs et président de la fondation Jérôme Lejeune, reconnue d'utilité publique. La Fondation Jérôme Lejeune est spécialisée dans la recherche sur les déficiences intellectuelles d'origine génétique. Soucieuse de développer des thérapies innovantes, la Fondation finance également un consortium international de recherche en thérapie cellulaire. Jean Marie Le Méné est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Le professeur Lejeune, fondateur de la génétique moderne" (1997, édition Mame), "La trisomie est une tragédie greque" (Salvator, 2009) et "Nascituri te salutant" (Salvator, 2009)

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