Jean Leonetti : réflexions sur la fin de vie

Publié le 19 Nov, 2008

En décembre prochain, la mission Leonetti, chargée de l’évaluation de la loi sur la fin de vie, remettra son rapport au gouvernement. Après neuf mois de travaux, le député Jean Leonetti, rapporteur, publie un ouvrage intitulé "A la lumière du crépuscule" (Editions Michalon, 160 pages, 14 euros). Le Quotidien du Médecin dévoile quelques unes des réflexions de l’auteur.

Jean Leonetti revient sur l’affaire Sébire*, à l’origine de cette mission d’évaluation. Selon lui, le traitement médiatique qui en a été fait "a complètement éclipsé tout raisonnement derrière". Sur un sujet aussi grave que celui de la fin de vie, il est nécessaire de ne pas se laisser guider par l’émotion. Et puis, "quand on connaît l’histoire médicale et qu’on voit comment les choses se sont passées, on se dit que tout le monde a manipulé tout le monde".

Il souhaite ensuite faire "évoluer la conscience palliative" : "la médecine d’accompagnement (…) n’est pas un pis-aller ou un complément", "ça n’est pas parce qu’on ne va pas guérir les gens que l’on ne peut pas les soigner".

Sur la dignité et le respect de l’autonomie, le député-médecin écrit : "le médecin n’est pas l’instrument d’un malade qui viendrait chercher la mort comme un self-service et, réciproquement, il ne doit pas considérer le malade comme un objet à qui on inflige un traitement de la part d’un sachant par rapport à un souffrant". Il poursuit sur les directives anticipées en se prononçant contre une "lecture stricte" de ces directives même si "a priori et moralement, les médecins doivent suivre les directives anticipées, par respect pour celui qui les a écrites".

Pour Jean Leonetti, la légalisation d’une exception d’euthanasie est "une impasse" : comment un comité pourrait-il décider de la vie ou de la mort des gens ? Comment justifier la qualification d’exceptionnelle pour une situation plutôt que pour une autre ? Et puis, d’après lui, "l’exception d’euthanasie (…) est en fait une procédure simplifiée qui existe aujourd’hui et qui est mal appliquée parce que la loi n’est pas suffisamment connue des médecins mais aussi des juges" ; "dans les cas les plus douloureux, où la mort a été donnée dans un contexte de compassion et de détresse, les juges pourraient classer sans suite, sans être obligés d’incriminer la personnes aux assises".

"La loi souffre encore d’un manque de moyens", analyse-t-il. Enfin, Jean Leonetti refuse que la loi se saisisse de sujets comme le suicide assisté, en raison de "la fluctuation des volontés" : "j’aurais toujours peur de donner la mort à quelqu’un qui a encore deux ans à vivre et qui aurait pu peut-être changer d’avis". Il se dit toutefois partisan d’"une sédation d’accompagnement sur les arrêts de traitement de survie" et prône la mise en place d’"un système de consultants en soins palliatifs qui viennent dénouer ces problèmes complexes [les tensions existantes entre les familles et le corps médical concernant l’acharnement thérapeutique ou le combat pour la vie]".

Il rappelle que le président de la République, la garde des Sceaux et la ministre de la Santé pensent que "la législation actuelle, avec des améliorations, est la bonne".

Enfin, il revient sur le combat mené par l’Association pour le "droit de mourir dans la dignité" (ADMD). Reprenant les termes de François Goldwasser (chef de service en cancérologie à l’hôpital Cochin), ses membres prônent un "ex-progrès devenu ringard". "C’est vrai qu’il fut un temps où il valait mieux faire ça que l’agonie dans la torture. Mais, aujourd’hui, avec les techniques qui sont en place, médicaliser la mort, c’est l’adoucir. Cela s’apprend. Et c’est souvent par incompétence ou par peur que l’euthanasie est réclamée ou qu’elle est donnée."

Parallèlement, suite à la décision de la Cour de cassation italienne de "débrancher" Eluana Englaro (cf. Synthèse de presse du 14/11/08), les évêques italiens ont réclamé une loi sur la fin de vie, rappelant que l’alimentation et l’hydratation ne sont pas une forme d’acharnement thérapeutique, mais un soin proportionné et que "débrancher" Eluana est un acte d’euthanasie.

*Agée de 52 ans et atteinte d’une tumeur incurable, Chantal Sébire avait demandé à la justice, mercredi 12 mars, la possibilité de "bénéficier d’un suicide médicalement assisté" (cf. Synthèse de presse du 13/03/08). Sa demande avait été refusée par le tribunal de grande instance de Dijon le 17 mars (cf. Synthèse de presse du 18/03/08). 2 jours plus tard, elle était retrouvée morte à son domicile, après avoir absorbé un barbiturique (cf. Synthèse de presse du 20/03/08).

Le Quotidien du Médecin (Stéphanie Hasendahl) 19/11/08 – Zenit 18/11/08

Partager cet article

Synthèses de presse

30_fiv
/ PMA-GPA

Embryons congelés : détruire pour ne pas payer

Alors qu’aux Etats-Unis, le coût de la conservation des embryons congelés ne cesse d’augmenter, certains choisissent de les détruire plutôt ...
Bien vieillir : la proposition de loi adoptée par le Sénat
/ Fin de vie

Bien vieillir : la proposition de loi adoptée par le Sénat

La proposition de loi visant à « bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie » a été définitivement approuvée ...
25_gpa
/ PMA-GPA

GPA : une loi « très permissive » au Québec

« Non, le Québec ne vient pas de mettre en place une "GPA éthique" », affirment Nicole Athea, Ghislaine Gendron et ...

Textes officiels

Fiches Pratiques

Bibliographie

Lettres