Jacques Testart : ne pas faire de la science une nouvelle religion

Publié le 24 Jan, 2006

Jacques Testart, biologiste de la procréation et directeur de recherche à l’Inserm, décrit les limites d’une "foi aveugle dans le progrès scientifique". Il démontre que certains aspects de la science relèvent d’une attitude religieuse, "ce qui s’accorde mal avec la rationalité qu’elle revendique".

Il montre d’abord comment la science fut instrumentalisée ou niée par les religions et certains courants de pensée. Aujourd’hui, les pouvoirs politiques européens ont fait de la science, "la source privilégiée des vérités et des richesses".
 

Jacques Testart montre que la science ne permet pas de tout expliquer ou de tout anticiper. Souvent les conclusions d’experts relèvent plus de la prophétie que de la rigueur. J. Testart constate ainsi que l’Académie de Médecine, en vantant l’innovation et en condamnant l’obscurantisme, "s’est trompée par optimisme" sur tous les risques d’atteinte à la santé depuis 20 ans (l’amiante, la dioxine, la vache folle, les OGM…).
Jacques Testart rappelle que "le
progrès de la science n’est pas nécessairement celui de l’humain".

En clamant "qu’on ne peut pas arrêter le progrès", on laisse supposer que l’humanité ne serait pas libre de son destin, que la techno-science devance et domine les choix de société.

Selon une conception magique de l’évolution, "l’humanité ne peut perdre là où elle affirme le progrès technique". En pariant que "ça va marcher", la conclusion précède la démonstration. Ainsi "le Téléthon peut recueillir en un jour 100 millions d’euros (équivalant au budget annuel de fonctionnement de la recherche médicale française) en laissant croire que la guérison des myopathies n’est qu’une question de moyens financiers". Jacques Testart reprend les propos du premier ministre Lionel Jospin qui, en 2000, parlait des cellules souches embryonnaires comme "des cellules de l’espérance" et ironise sur la croyance en de tels miracles.

Jacques Testart se demande pourquoi il est impossible d’édicter des principes en bioéthique. "Pourquoi un interdit définitif sur l’esclavage et seulement des mesures provisoires (ou rien du tout) contre l’artificialisation de l’humain, ou contre l’eugénisme consensuel ?". Tant qu’une règle bioéthique peut être révisée par le savoir-faire technique, l’éthique n’est "qu’une morale du destin". J. Testart constate que l’éthique utilitariste, en vantant des progrès miraculeux et illimités, finit toujours par convaincre les réticents. Pour le scientifique, cette bioéthique d’inspiration scientiste court-circuite  l’élaboration de principe en bioéthique.

Le Monde Diplomatique (Jacques Testart) décembre 2005

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