Dans les colonnes Débats du Monde, Jacques Testart, Directeur de recherches à l’Inserm, compare la sélection en matière d’immigration au dépistage génétique. Les deux sélections sont faites au nom de la compétitivité, l’eugénisme est au service du libéralisme. Il dénonce sur ce point les déclarations de Nicolas Sarkozy : "Sa loi relative à l’immigration et à l’intégration promulgue l’étiquetage de produits humains venus d’ailleurs parce qu’il est de bonne pratique économique de qualifier des ingrédients de la machine à produire, afin de valider la planification pour obtenir la compétitivité".
On pressent derrières ces propos que : " Les causes innées ou acquises sont des risques pour l’économie si elles créent des handicaps ou des dysfonctionnements qui entravent la compétitivité".
"Grâce /à cause de" la science, "on pourra faire mieux dans l’identification et la sélection"…
Les propos du philosophe américain Peter Singer illustrent la logique poussée à l’extrême : "puisqu’il y aurait davantage de différences entre le génome d’un trisomique et celui d’un homme "normal" qu’entre le génome du même homme et celui d’un chimpanzé, il faudrait utiliser des "mongoliens", plutôt que des singes dans l’expérimentation".
De la compétitivité du monde économique, on passe donc à la compétitivité génétique. Les "transhumanistes" nous promettent même d’enrichir le corps humain grâce aux nanoprocesseurs pour optimiser les performances du corps.
Aujourd’hui, on nous parle d’une "immigration des meilleurs". Il y a 50 ans, Hermann Muller (Prix Nobel en 1946) annonçait déjà : "l’eugénisme de la société future, libéré des traditions de caste, d’esclavage, de colonisation, pourra être une eugénique véritable et radicale". Il serait imprudent de croire que l’eugénisme présenté par Hermann Muller n’est dangereux que s’il proposait une sélection raciste ou antisémite : "dès qu’on saura produire les œufs humains en abondance et sans instrumentaliser les femmes, le tri des pontes au laboratoire sera intensifié par la sélection du meilleur bébé possible (…). Et ce tri biologique promettra encore l’égalité des chances pour tous les géniteurs, quelle que soit leur origine".
Et de conclure : "Décidément, le libéralisme économique est bien l’ennemi de l’humanisme, et le scientisme est toujours son allié".
Le Monde 19/04/07