Aude Mirkovic, maître de conférences en droit privé, et auteur de PMA, GPA, la controverse juridique (2014), est interviewée par Le Point au sujet des pressions faites pour obtenir l’ouverture de la PMA en dehors du cadre thérapeutique, ouvrant la voie aux PMA “de convenance”.
Depuis la loi du 17 mai 2013 qui autorise l’adoption pour les couples de même sexe, alors que la PMA pour les femmes célibataires ou en couple homosexuel est interdite, les tribunaux sont embarrassés face aux demandes d’adoptions d’enfants nés par PMA à l’étranger. Des magistrats viennent de solliciter l’avis de la Cour de Cassation à ce sujet. Récemment, le manifeste des “343 fraudeuses” (Cf. Synthèse Gènéthique du 6 juin 2014) réclamait la “PMA pour toutes les femmes” et demandait qu’un statut soit reconnu à ces enfants nés par PMA. “Mais ces enfants ont déjà un statut” répond Aude Mirkovic. “Ils ont une mère qui les a mis au monde. Hélas ils ne connaissant pas leur père, qui est un donneur anonyme”.
Attention à l’ouverture de la PMA hors des critères thérapeutiques. Pour l’heure, la PMA “vise à remédier à une infertilité pathologique”. Pour elle, la médecine n’a pas à prendre en charge les demandes de PMA qui n’ont pas de visée thérapeutique, rappelant qu’une femme avec une autre femme n’est pas pour autant stérile. Si on accepte d’inséminer des femmes pour d’autres critères, alors il faudra ouvrir la PMA aux veuves, aux ménopausées, etc. Et il faudra s’interroger sur le sens de la technique : “compenser une infertilité médicale ou passer à la PMA de convenance ?”.
L’intérêt de l’enfant oublié. Pour Aude Mirkovic, invoquer l’intérêt de l’enfant pour demander son adoption après une PMA est une démarche hypocrite. En effet, la convention de New York sur les droits de l’enfant stipule que l’enfant a le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Or “concevoir des enfants d’un donneur anonyme pour qu’il n’ait pas de père porte atteinte à ce droit élémentaire”. Elle en appelle à “retrouver le contact avec la réalité, et en l’occurrence la réalité biologique”afin que l’enfant ne se trouve pas au cœur de “bricolages procréatifs au gré des accords des adultes”.
Le Point (Laurence Neuer) 21/06/2014