Interruption volontaire de grossesse : l’aveuglement français

Publié le 31 Oct, 2013

L’objection de conscience qui est le plus souvent invoquée au sujet de l’avortement pourrait bien être supprimée du texte de loi actuellement en vigueur. Le 5 avril 2013, la Ministre des droits des femmes avait saisi le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) lui demandant de rendre un premier rapport dressant l’état des lieux de l’information dispensée sur internet en matière d’Interruption volontaire de grossesse (IVG), ainsi qu’un rapport consolidé sur l’accès à l’IVG dans les territoires. Au mois de septembre, le HCEfh avait rendu son premier rapport en préconisant 4 recommandations à la ministre allant de la création d’un site institutionnel à une campagne nationale en faveur de l’IVG (1). Le 7 novembre, ce sont 34 recommandations pour un meilleur accès à l’IVG que le HCEfh a publiées.

 

Les recommandations du rapport

 

Dans ce rapport le HCEfh souhaite “actualiser le diagnostic sur la situation de l’accès et de l’exercice à l’IVG”, faire de “l’avortement un droit  […] garanti par un service public” et de “l’IVG un acte médical comme un autre, dénué de représentations moralisatrices”, susciter des “actions volontaristes pour réparer les insuffisances du service public”.

 
Ainsi, le rapport recommande notamment de :
▸ supprimer la condition de détresse dans la disposition légale actuelle (2) en remplaçant celle-ci par “la femme qui ne souhaite pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin de l’interrompre” (n°1),
▸ supprimer le délai de réflexion de 7 jours séparant la consultation d’information, et la consultation de prescription de l’IVG (n°2),
▸ supprimer la clause de conscience expressément visée dans la loi sur l’avortement (n°3),
▸ ouvrir aux infirmière, sage-femme, conseiller conjugal la délivrance de la première attestation d’IVG (n°9) ou mettre en ligne cette attestation pour que les femmes majeures puissent la remplir elles-mêmes (n°10),
▸ imposer à tous les établissements publics de pratiquer l’IVG jusqu’à 12 semaines de grossesses (n°12), assurer tous les choix de méthode d’IVG dans ces établissements (n°21) et voter un moratoire sur la fermeture des centres d’IVG (n°11).
▸ attribuer à l’IVG les moyens financiers nécessaires (n°14)
▸ Inscrire la sexualité, la contraception, et l’IVG dans la formation des professionnels de santé ou du secteur sanitaire, social, éducatif… (n°17)
▸ Créer un « plan national sexualités-contraception-IVG » (n°25) et un “Observatoire national sexualités-contraception-ivg” permettant d’évaluer l’application des dispositions légales et la généralisation des bonnes pratiques (n°26).
▸ Financer des recherches sur l’IVG (n°30).
 
Les réactions des associations
 
Réagissant à cette volonté politique de faire de l’IVG “un droit”, une “offre de soin” rapide et accessible, et un enjeu de santé publique, les associations ont manifesté leur désaccord.
La Fondation Jérôme Lejeune, en tant qu’institution médicale et scientifique rappelle que l’IVG est un “acte non médical” qui “consiste à tuer un être humain avant sa naissance”. Elle souligne que le respect de la vie de l’être humain est une valeur antérieure à la loi et que les hommes aussi sont concernés par la question. Pourtant seule la femme portera le poids de la culpabilisation et des conséquences psychiques et somatiques observées scientifiquement. La Fondation Jérôme Lejeune demande un débat public sur l’avortement nourri d’arguments rationnels et vidé d’approche idéologique, au nom du bien commun et de la norme morale élémentaire : ne pas tuer.
 
Alliance VITA, fort de leur service d’écoute SOS Bébé, s’interroge sur la “profonde méconnaissance de la réalité vécue par les femmes que manifestent ces préconisations”, réalité qu’ils connaissent grâce à leur écoute, et au sondage IFOP réalisé en 2010 auprès de 1000 femmes. Ce dernier sondage montrait que l’avortement n’avait rien d’anodin, que ses conséquences étaient difficiles à vivre, que les femmes attendent une politique de prévention qui les soutiennent et offre des moyens d’éviter l’IVG, et enfin, que les informations sur les alternatives à l’avortement devraient être plus développées, et notamment l’adoption.
Alliance VITA conteste en outre la légitimité du Mouvement français pour le planning familial (MFPF) qui “prône l’avortement comme une solution à toute grossesse imprévue ou difficile, y compris par des filières clandestines d’avortements hors délai à l’étranger”.
 
Tout porte à croire que les recommandations du HCEfh seront intégrées, par le biais d’amendements, au “projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes” (n°1380), déjà voté au Sénat le 17 septembre 2013, et qui passerait en première lecture à l’Assemblée Nationale en janvier 2014. 
 

1. Les 4 recommandations sont les suivantes : Créer un site internet institutionnel dédié à l’avortement à destination des femmes et des professionnels ; Mettre en place un numéro à quatre chiffres “guichet unique”, anonyme et gratuit ; Mettre en place une “équipe IVG” de veille et d’animation ; Organiser la 1ère campagne nationale d’information concernant la question du droit à l’avortement. 
2. “la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse”.

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