Greffes d’organes : trafics et marchandisation des corps

Publié le 20 Mai, 2010

Le magazine TéléObs publie un dossier sur la problématique des greffes d’organes. En principe, la greffe d’organe repose sur la gratuité et un accès égal pour tous, mais en pratique, la médecine fait face à une "pénurie" de greffons, ce qui entraîne de vastes trafics d’organes dans certains pays peu regardants. Ce commerce donne lieu à une véritable "marchandisation du corps humain qui réduit les organes vitaux à des pièces détachées, avec tarifs et catalogues". En toute illégalité et au mépris des conventions internationales, des cliniques privées procèdent à des prélèvements d’organes (foie, rein, poumon, cornée) sur des individus sains pour des coûts d’intervention pouvant approcher les 100 000 dollars. L’OMS fournit des chiffres des "cours" du rein, organe le plus transplanté dans le monde : en 2006, le prix était de 700 dollars en Afrique du Sud, 1000 dollars en Inde, 2700 dollars en Moldavie, 5000 dollars en Turquie et jusqu’à plus de 30 000 dollars aux Etats-Unis. Les pays les plus touchés par cette "activité florissante" sont l’Inde, la Chine, les Philippines et l’Egypte. Selon l’OMS, ces trafics juteux représenteraient plus de 10% des transplantations rénales dans le monde.

Des réseaux internationaux de trafics d’organes se sont créés "en provenance d’Asie, d’Europe de l’Est, du Brésil, où les donneurs sont toujours les plus pauvres d’entre les pauvres". Le "tourisme de la transplantation" prospère donc à destination de pays "à la législation ‘arrangeante’, qui propose des forfaits tout compris incluant le voyage, le séjour sur place – accompagné d’un traducteur ! -, l’intervention et les frais d’hospitalisation". Il arrive que les organes soient même prélevés de force dans certains pays, des patients se réveillant avec un rein en moins après une intervention bénigne. En Chine, malgré une loi de 2006 appuyant l’interdiction de la commercialisation des organes humains, "la plupart des 10 000 organes transplantés chaque année proviennent de condamnés à mort – une ‘réserve vivante’ de donneurs exécutés selon la demande".

TéléObs revient également sur l’enquête réalisée par le Nuffield Council of Bioethics, équivalent du Comité d’éthique français en Grande Bretagne, demandant aux citoyens anglais s’il faut "mettre en place des incitations ou des compensations financières pour encourager les gens à donner un organe" afin de répondre à l’actuelle pénurie d’organes(Cf. Synthèse de presse du 20/04/10). La question est donc de savoir si le manque de donneurs peut justifier l’abandon de la gratuité, principe fondateur du don d’organes. En France, cette initiative anglaise est saluée par certains tel Emmanuel Hirsch, philosophe directeur de l’Espace éthique de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, pour qui les anglais "posent les vraies questions sur des situations limites". Il s’agit selon lui d’une "démarche à la fois démocratique et très pédagogique. […] En France, ces questions sont trop souvent réservées à des cercles de spécialistes qui pensent pouvoir décider à la place du public". Les responsables de l’Agence de la biomédecine disent ne pas être choqués non plus par ce débat. Mais le scepticisme reste de mise et il n’est pas question de remettre en cause le principe de gratuité. En France, le trafic d’organes est puni par 7 ans de prison et une amende de quelque 100 000 euros.

La Croix rapporte que l’Union européenne va, d’ici à deux ans, se doter de structures et normes communes pour "faciliter le don et les greffes d’organes, y compris d’un pays à l’autre de l’UE". Une directive adoptée hier par le Parlement européen édicte des mesures devant contribuer à lutter contre les trafics. Il s’agit "d’améliorer la qualité et la sûreté des organes humains destinés aux greffes; d’augmenter la disponibilité des organes et de rendre plus efficaces et plus accessibles les systèmes de transplantation" a expliqué le commissaire chargé de la santé.

TéléObs (Richard Cannavo, Cécile Courmau) 22-28/05/10 – La Croix 20/05/10

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