Greffe de tête : des questions sans réponse

Publié le 24 Sep, 2017

Les annonces répétées du neurochirurgien Sergio Canavero à propos d’une greffe de tête soulèvent un certain nombre de questions et présentent un « casse-tête juridique ». Ce « projet fou », dont il est question depuis 2013, aura probablement lieu en Chine, avec un donneur et un receveur chinois. L’opération serait réalisée par Ren Xiaoping de l’Université médicale de Harbin (Chine).

 

En premier lieu, l’annonce semble précoce, et interroge sur la visée de l’opération : est-elle « réellement au bénéfice du patient » ? Actuellement, aucune étude chez l’animal n’est complète. Le receveur est certes « atteints de graves dysfonctionnements neuromusculaires », mais il encoure le risque de mourir pendant l’opération ou de voir sa vie réduite, du fait des traitements immunosuppresseurs. En outre, la greffe sera dans ce cas irréversible, alors que les exemples ne manquent pas de patients qui ne supportent plus psychologiquement des greffes d’organes tels que la main, et demandent leur retrait.

 

Comment sera recueilli le consentement du receveur ? Et celui du donneur, censé être en état de mort cérébrale ? « La Chine est réputée plus libérale sur ces questions éthiques », et elle est régulièrement suspectée de prélever des ‘donneurs’ sans leur consentement.

 

Qu’en sera-t-il de l’identité juridique du patient transplanté ? « Le cerveau sera celui du ‘receveur’ mais les autres organes ceux du ‘donneur’ (microbiote, cœur, empreintes digitales…)». Comment sera encadré ce patient, « dont le concept d’identité sera bouleversé ainsi que son rapport aux autres » ? En outre, le receveur « pourra se reproduire mais la descendance sera celle du donneur. Quel en sera l’impact en droit de la filiation ? (…) le receveur peut-il exiger la stérilisation du donneur avant l’opération ? Peut-on proposer une stérilisation au donneur ? (…) peut-on stériliser post-mortem le donneur ? ».

 

Pour Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris Sud, « l’innovation en en biomédecine expose au risque de manquer de repères et dès lors de transgresser, faute d’un encadrement approprié ». Deux instances internationales pourraient se prononcer par anticipation sur ce projet : l’UNESCO, avec son Comité international de bioéthique (CIB) et son Comité intergouvernemental des sciences médicales (CIGB), ou le Conseil des organisations internationales des sciences médicales (CIOMS), instance établie par l’OMS et l’Unesco. 

 

Sciences et avenir, Iris Joussen (22/09/2017)

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