Grands prématurés : où commence l’euthanasie ?

Publié le 21 Sep, 2014

Chef de service de chirurgie pédiatrique et néonatale, le professeur Emmanuel Sapin, expert Gènéthique, signe une tribune dans Le Figaro Vox, à partir du cas du petit Titouan (Cf Synthèses de presse Gènéthique du 16/09/2014 et du 19/09/2014), dont l’arrêt des soins a conduit à sa mort vendredi. Il revient sur les questions éthiques et médicales que posent la grande prématurité. 

 

Premier élément soulevé par le Pr Emmanuel Sapin : “envisager la fin de vie de quelqu’un au tout début de sa vie est une épreuve extrêmement douloureuse, et demande une démarche qui n’est ni naturelle ni aisée, que ce soit pour les parents ou pour les soignants“. Dès lors qu’un bébé naît très prématurément, le développement normal des fonctions des organes ne peut être suffisant pour que ce dernier puisse “s’adapter au défi de la vie néonatale” hors de l’utérus. Dès sa naissance, ce bébé, “considéré comme une personne à part entière de la société bénéficie des premiers soins pour lui donner ses chances“. Si certains nouveau-nés “vont évoluer favorablement“, d’autres ne survivront pas ou survivront mais “au prix de très lourds handicaps, en grande dépendance“. Ainsi, “les soins apportés durant les premières semaines doivent-ils, en ces cas, être considérés comme de l’acharnement thérapeutique?” interroge le Pr Sapin. 

 

Dans le cas de Titouan, dont les examens réalisés ont décelés d’importantes anomalies “compromettant lourdement ses chances de survie“[…] il s’avère que dans l’intérêt de l’enfant, et de sa famille, “la poursuite de la réanimation a été considérée comme une obstination déraisonnable“. 

 

Mais en l’absence de possibilités thérapeutiques, un problème se pose, celui “d’une attitude qui pourrait entraîner la mort du nouveau-né“. Trois comportements peuvent entraîner le décès : “l’abstention de réanination“, “l’arrêt de réanimation nécessaire au maintien de la vie” ou “l’interruption de la vie“. La différence entre ces trois attitudes est la suivante : “L’abstention ou l’arrêt d’une réanimation correspondent au refus ou à l’arrêt d’un artifice pour laisser l’évolution suivre son cours naturel. ” Ainsi, la mort du nouveau-né est issue de son état physique et non de l’absence ou d’un arrêt de la réanimation. Par contre, précise le Pr E. Sapin, “lorsqu’un nouveau-né a acquis son autonomie de vie, en particulier respiratoire, décider d’un arrêt de vie en raison de handicaps présents et futurs escomptés, relève de l’euthanasie“. 

 

Dans ces situations, la loi Leonetti de 2005 prévoit une implication des parents de l’enfant dans le processus de décision. 

Pour ce qui est du cas du petit Titouan, ses parents “ont considéré qu’il n’était pas raisonnable de poursuivre les soins puisque la situation de leur enfant ne permettait pas d’envisager une évolution favorable“. Si “le délai entre l’expression de leur ressenti et la décision de l’équipe médicale d’un arrêt de soin a été pour ces parents vécue très douloureusement“, le Pr E. Sapin précise que “ce temps écoulé est, cependant, nécessaire pour permettre un cheminement au-delà d’un choix qui pourrait s’avérer transitoire pris dans un état de détresse et qu’ils pourraient ensuite se reprocher, vivre comme un remords.” Ce temps de réflexion a donc été “une attitude raisonnable“. 

Figaro Vox (Professeur Emmanuel Sapin) 21/09/2014

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