Au début du mois de juin, le Conseil d’Etat a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en matière de GPA : est-il « discriminatoire » de ne pas accorder un congé paternité et d’accueil au « deuxième père » quand deux hommes ont eu recours à une mère porteuse à l’étranger ?
La question est soulevée par l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL).
Un « excès de pouvoir » ?
Depuis 2013, le code de la sécurité sociale prévoit que les jours du congé paternité puissent être accordés à « la personne qui partage la vie de la mère de l’enfant ». Toutefois, deux circulaires de la Caisse nationale de l’assurance-maladie (Cnam) publiées en 2024 stipulent que, dans le cas d’une GPA, « la personne qui, sans lien de filiation avec l’enfant, possède un lien avec la mère de celui-ci » « n’est pas représentée » puisqu’« aucune filiation maternelle n’est établie » (cf. GPA : l’Assurance maladie envisage le versement d’un second congé paternité).
L’APGL qui considère que ces circulaires constituent un « excès de pouvoir » réclame leur annulation.
« La dignité des femmes et des enfants est un enjeu sans commune mesure avec quelques semaines de congé paternité »
En France, la gestation par autrui est interdite depuis 1994 (cf. Une action pour faire respecter la loi française : 9 nouvelles plaintes pour « entremise en vue de GPA » à l’encontre d’une société américaine). Cependant, le « parent d’intention » qui n’a pas de lien génétique avec l’enfant peut passer par une procédure d’adoption pour être reconnu. Une « zone grise » que doit gérer le service médiation de la Cnam, « au cas par cas ». L’Assurance maladie étudie en effet « la possibilité d’octroyer un second congé paternité », en lien avec le ministère de la Santé après les dernières décisions de la Cour de cassation (cf. Arrêt de la Cour de cassation : l’interdiction de la GPA posée par le Code civil « n’existe plus »).
Me Catherine Clavin, coprésidente de l’APGL, prétend que ce deuxième congé paternité « s’inscrirait dans la reconnaissance progressive de ces familles », « sans que cela n’implique la reconnaissance de la GPA sur le sol français ».
Au contraire, le Syndicat de la famille se préoccupe de cette stratégie des « petits pas ». « Ces pères sont dans le déni de la réalité. Ils contournent la loi et réclament ensuite des droits », s’indigne Ludovine de La Rochère, présidente du syndicat. « Nous espérons que les Sages prendront en compte la défense des femmes victimes de l’exploitation reproductive et la protection des enfants vis-à-vis de la marchandisation. Tout recul face à la banalisation de la GPA serait un recul pour la dignité humaine, alerte-t-elle. La dignité des femmes et des enfants est un enjeu sans commune mesure avec quelques semaines de congé paternité. »
« On ne devrait pas rentrer dans cette logique et acter de telles contradictions »
L’APGL considère qu’il existe une autre « discrimination », en matière de congé paternité. Elle concernerait les hommes transgenres qui ont conservé leur appareil reproducteur féminin. « Si l’on retient que l’homme qui accouche est le père, cela risque de priver son conjoint d’un congé paternité auquel il devrait avoir droit, puisque le texte ne prévoit pas l’octroi de deux congés paternité », soutient Me Stoclet.
« Vouloir bénéficier du statut de femme pour accoucher et du statut de père en même temps est problématique au regard du droit mais surtout au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant » rétorque Ludovine de La Rochère. « On ne devrait pas rentrer dans cette logique et acter de telles contradictions. La personne qui accouche est tout simplement une femme et a droit à un congé maternité. »
La question prioritaire de constitutionnalité devrait être examinée par le Conseil constitutionnel d’ici trois mois.
Source : Le Figaro, Agnès Leclair (25/06/2025)