En Espagne, la première chambre de la Cour suprême a déclaré que « la reconnaissance d’un jugement étranger validant un contrat de maternité de substitution et attribuant la paternité de l’enfant aux parents d’intention est contraire à l’ordre public »[1].
Une atteinte à l’intégrité physique et morale, de la mère porteuse et de l’enfant
« Les droits fondamentaux et les principes constitutionnels inscrits dans la Constitution, y compris les droits à l’intégrité physique et morale de la mère porteuse et de l’enfant, ainsi que le respect de leur dignité, font partie de cet ordre public qui constitue une limite à la reconnaissance des décisions des autorités étrangères », affirme la Cour.
Or, la maternité de substitution « porte atteinte à l’intégrité morale de la femme enceinte et de l’enfant, qui sont traités comme des choses susceptibles de faire l’objet d’un commerce, privés de la dignité d’être humain ». En outre, elle dépossède l’enfant de son « droit à connaître son origine biologique ».
La GPA « porte également atteinte à l’intégrité physique de la mère », souligne la Cour. En effet, la femme peut être soumise à « des traitements hormonaux agressifs » visant à la rendre enceinte.
Enfin, cette pratique peut « menacer l’intégrité physique et morale de l’enfant », « étant donné l’absence de contrôle sur l’aptitude des parents d’intention ».
L’intérêt de l’enfant ne doit pas être apprécié « en fonction des intérêts et des critères des parents d’intention »
Ainsi, « un contrat de maternité de substitution tel que celui validé par la décision du tribunal américain implique l’exploitation de la femme et porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant », considère la Cour suprême espagnole, pointant que le consentement de la mère porteuse a été obtenu « moyennant un paiement ou une compensation » dans ce pays où la pratique fait l’objet d’un « marché énorme ».
Refuser le jugement rendu par un tribunal étranger ne porte pas atteinte au principe supérieur de protection du mineur, juge la Cour. Elle souligne : « la détermination de ce qui constitue dans chaque cas l’intérêt supérieur de l’enfant ne doit pas se faire en fonction des intérêts et des critères des parents d’intention ».
Sauvegarder les droits des femmes et des enfants « en général »
Pour la Cour suprême, « les droits fondamentaux des mères porteuses et des enfants en général » seraient « gravement lésés » si l’on encourageait la pratique de la GPA « commerciale », « en facilitant l’activité des agences de maternité de substitution, au cas où elles pourraient garantir à leurs clients potentiels la reconnaissance quasi automatique en Espagne de la filiation » (cf. GPA : la Cour de cassation demande quelques « garanties »). Une filiation qui ne serait que le résultat du contrat de GPA, « malgré la violation des droits des mères porteuses et des enfants eux-mêmes, traités comme de simples marchandises », et sans « vérifier l’aptitude » des « parents d’intention » à être « reconnus comme titulaires de l’autorité parentale » sur l’enfant né d’une GPA.
En Espagne la gestation par autrui est interdite (cf. GPA : la loi contournée en Espagne). C’est le cas aussi en France, où la Cour de cassation a pourtant pris récemment une décision radicalement opposée (cf. GPA à l’étranger sans aucun lien biologique : la Cour de cassation admet le lien de filiation). Les « lignes rouges » seraient-elles différentes de part et d’autre des Pyrénées ?
[1] Poder judicial, El Tribunal Supremo rechaza reconocer una sentencia de Estados Unidos que valida un contrato de gestación subrogada por ser contrario al orden público (09/12/2024)