GPA « encadrée » au Québec : un tribunal bafoue la loi au profit de commanditaires français

Publié le 22 Mar, 2025

Le 6 juin 2023, le Québec a légalisé une GPA dite « éthique » qui repose sur l’« altruisme » des mères porteuses (cf. Olivia Maurel née par GPA : « Il n’y a pas et il n’existera jamais de GPA dite “éthique” »). Le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, tient à ce que « le consentement des mères porteuses soit libre et éclairé » et qu’un notaire « établisse une convention notariée pour s’assurer qu’il y ait absence de vulnérabilité de la mère porteuse »[1].

Un « modèle » qui se veut protecteur des mères porteuses

C’est le modèle que réclament les partisans de la GPA en France : les mères porteuses doivent décider librement de s’engager dans cette démarche, aucune femme ne doit jamais être contrainte à porter un enfant pour le remettre à autrui. D’après eux, c’est justement l’instauration d’un « cadre légal » qui empêcherait les « dérives » de la « marchandisation »[2]. Ainsi la loi québécoise interdit la rémunération des mère porteuses, au profit d’une « compensation », les mères porteuses doivent avoir plus de 21 ans et bénéficient d’un délai de rétractation de 30 jours après la naissance de l’enfant. Les commanditaires doivent résider au Québec depuis au moins un an.

Le ministre Simon Jolin-Barrette avait promis que les « verrous » énoncés par le texte de loi seraient respectés grâce au recours aux tribunaux : « si vous ne respectez pas ces paramètres d’ordre public, vous ne pourrez pas avoir l’enfant issu de votre projet parental »[3].

Malgré cela, un récent jugement de la Cour supérieure du Québec [4] a déjà trahi cette promesse.

Un Etat civil qui ne convient pas aux commanditaires

Dès le lendemain de l’entrée en vigueur de la loi, le 7 juin 2023, une femme domiciliée au Québec est inséminée au profit d’un citoyen français et son conjoint. La GPA n’étant alors pas encore autorisée au Québec, le contrat avait été signé en Ontario. Les ovocytes proviennent des Etats-Unis et le transfert de l’embryon dans l’utérus de la mère a eu lieu en Californie.

A la naissance de l’enfant, il s’avère que le couple de commanditaires ne respecte pas l’une des conditions de la reconnaissance d’un contrat de GPA : ils ne sont pas domiciliés au Québec depuis au moins un an. L’administration québécoise ne reconnait pas le contrat de GPA, et le Directeur de l’Etat civil québécois consigne le nom de la mère et du père de l’enfant sur l’acte de naissance. Les critères n’ayant pas été respectés, ce n’est pas une GPA, la filiation s’établit alors « par le sang ».

La mention de la mère sur l’acte de naissance de son enfant pose un problème au commanditaire : l’adoption plénière de l’enfant ne sera pas accordée à son conjoint un fois de retour en France.

Les protagonistes saisissent alors les tribunaux québécois pour demander de « rectifier » l’acte de naissance a posteriori. Ils demandent que le nom de la mère soit supprimé et remplacé par l’inscription « mère non déclarée », en dépit des faits entourant la naissance de cet enfant. Cet assemblage juridique leur garantira la possibilité de contourner les conditions de la loi française sur l’adoption plénière.

« La Demande vise à retirer les nom et prénom de la mère de substitution (J…) de l’acte de naissance de l’enfant X, afin de permettre à M… d’entamer un processus d’adoption plénière à son égard en France. »[5]

Des « verrous » de façade

Malgré la volonté affichée par le Ministre Jolin-Barrette de « verrouiller » sa loi, le Procureur général du Québec n’a pas jugé pertinent de présenter une défense pour la Direction de l’Etat civil durant l’audience. En dépit du fait que les arrangements des protagonistes n’étaient pas conformes au cadre législatif québécois, le tribunal a accueilli favorablement la requête, invoquant l’« intérêt supérieur de l’enfant » (cf. PMA, GPA : Omerta sur le sort de l’enfant). Dans le compte-rendu du jugement, il est indiqué que « les demandeurs M… et P… sont mariés et domiciliés en France »[6]. Une entorse à la loi qui ne soulève aucune discussion.

Dès la première infraction à la loi par des commanditaires, les tribunaux québécois ont donné raison à ces derniers.

 

[1] Audition sur le projet n° 12 du Ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, 28 mars 2023

[2] Voir les travaux du think tank Génération libre, notamment « Pour une GPA responsable en France », 23 septembre 2018 https://www.generationlibre.eu/pour-une-gpa-responsable-en-france/

[3] Audition du Ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette, op. cit.

[4] Jugement de la Cour supérieure du Québec du 9 septembre 2024

[5] Jugement de la Cour supérieure du Québec du 9 septembre 2024

[6] Ibid.

Photo : iStock

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