Dans un arrêt du 14 novembre [1], la Cour de Cassation considère que « lorsqu’un enfant né d’une GPA à l’étranger n’a aucun lien biologique avec le parent d’intention, la filiation établie légalement dans cet autre pays peut être reconnue par la France ». Pour la Cour, « l’absence de lien biologique ne heurte aucun principe essentiel du droit français ».
Une mère porteuse et deux donneurs
Ce jugement a été rendu dans une affaire impliquant une femme seule ayant fait pratiquer une GPA au Canada. L’enfant a été conçu en ayant recours à deux donneurs et ne partage donc aucun lien biologique avec la commanditaire.
Elle a été déclarée mère légale de l’enfant par une décision de justice au Canada et une Cour d’appel française a reconnu cette décision, faisant produire à la filiation établie par le droit canadien les effets d’une adoption plénière en France. Le procureur général est alors intervenu et a formé un pourvoi en cassation.
Un détournement des règles de l’adoption
Le procureur général a en effet considéré cette décision comme « contraire à l’ordre public international français », « en ce qu’elle établissait un lien de filiation entre une femme et un enfant n’ayant aucun lien biologique ». Dénonçant en outre un détournement des règles de l’adoption internationale (cf. GPA, adoption : des blessures similaires, des pratiques comparables ?).
Pour la Cour de cassation, au contraire, « l’ordre public international français ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une décision de justice étrangère qui établit un lien de filiation entre un enfant né d’une GPA à l’étranger et un parent avec lequel il ne partage aucun lien biologique ».
L’existence d’une convention de GPA, pas un « obstacle » à la reconnaissance d’un lien de filiation
La Cour appuie sa décision sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), arguant que « l’existence d’une convention de GPA n’est pas en soi de nature à faire obstacle à la reconnaissance par la France du lien de filiation établi à l’étranger, que ce soit à l’égard du parent biologique ou du parent d’intention ».
Elle poursuit en affirmant qu’« aucun principe essentiel de droit français ne se trouve heurté par le fait qu’en application d’une loi étrangère une filiation soit établie entre un parent et un enfant qui n’ont entre eux aucun lien biologique ». Pour cela elle rappelle que le droit français admet « l’existence de filiations qui ne sont pas conformes à la réalité biologique » comme le recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur (cf. « L’AMP avec tiers donneur n’est pas quelque chose d’anodin » ni pour les receveurs, ni pour le donneur) ou la possibilité de reconnaître un enfant sans avoir avec lui de lien biologique. Des procédures légales en France, contrairement à la GPA qui y est interdite.
Une « logique » différente de celle de l’adoption
« Le fait que ce type de situation ne soit pas contraire à l’ordre public international français ne signifie pas que le juge français n’exerce aucun contrôle de la décision de justice étrangère », veut rassurer la Cour. « Le juge français doit vérifier, notamment, l’absence de fraude et le consentement des parties à la convention de GPA ». Des conditions, a minima, qu’elle avait affirmées à l’occasion de deux arrêts récents (cf. GPA : la Cour de cassation demande quelques « garanties »).
En l’espèce, la Cour reconnaît donc le lien de filiation, tout en censurant la décision rendue en appel sur l’adoption. La filiation « doit ainsi être reconnue en tant que filiation d’intention, laquelle repose sur une logique différente de celle d’une adoption », affirme la Cour de cassation.
Une « logique » uniquement fondée sur l’intention. Une condition nécessaire et suffisante ? (cf. « La GPA est un marché mondial qu’il faut abolir internationalement »)