Glandes surrénales, yeux, moelle osseuse… Les cellules iPS, un couteau suisse ?

Publié le 22 Nov, 2022

Des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont réussi à amener des cellules souches pluripotentes induites (iPS) « à se diviser, à mûrir et à assumer certaines des fonctions d’une glande surrénale fœtale humaine »[1]. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Developmental Cell [2]

Située au-dessus des reins, la glande surrénale joue un rôle « essentiel » à la santé de l’organisme. Stimulée par le cerveau, elle sécrète des hormones qui interviennent dans la régulation de la pression artérielle, le métabolisme et la fertilité.

Actuellement, il n’existe aucun remède à l’insuffisance surrénale primaire, et le traitement hormonal substitutif, à vie, utilisé pour la traiter, comporte des « effets secondaires importants ». Les chercheurs envisagent donc une alternative : faire croître une glande surrénale fonctionnelle.

Les travaux de l’équipe, coordonnée par le professeur Kotaro Sasaki, représentent une « preuve de principe », qui permettra également d’identifier de nouvelles thérapies. « Il s’agit d’une étude unique en son genre », estime le chercheur qui envisage de développer des thérapies cellulaires « pour traiter non seulement les insuffisances surrénales, mais aussi d’autres maladies liées aux hormones comme l’hypertension, le syndrome de Cushing, ou encore le syndrome des ovaires polykystiques ».

Des organoïdes oculaires

Des scientifiques de l’University College London (UCL) ont de leur côté utilisé des cellules iPS pour faire « pousser en laboratoire des yeux miniatures ». Ces organoïdes oculaires constituent de « bons modèles » pour étudier les maladies qui provoquent la cécité et, éventuellement, trouver des traitements. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Stem Cell Reports[3].

« En utilisant une petite biopsie de peau, nous disposons désormais de la technologie nécessaire pour reprogrammer les cellules en cellules souches, puis créer des rétines [4] cultivées en laboratoire avec le même ADN, et donc les mêmes caractéristiques génétiques, que nos patients », explique le Dr Yeh Chwan Leong, auteur principal de ces recherches.

Cette étude portait plus particulièrement sur le syndrome d’Usher, une anomalie congénitale rare. En cultivant des « mini-yeux » provenant de donneurs atteints ou non du syndrome d’Usher, l’équipe a pu observer des différences entre les deux, ce qui pourrait permettre de trouver de nouveaux traitements pour cette maladie, ainsi que pour d’autres comme la rétinite pigmentaire, espèrent les chercheurs. Dans de futurs travaux, ils envisagent de « cultiver davantage de mini-yeux en utilisant un plus large éventail d’échantillons de patients, et de tester différents médicaments sur eux ».

Reproduire la moelle osseuse pour étudier le cancer

En ce qui concerne les chercheurs de l’université d’Oxford et de l’université de Birmingham, c’est à la moelle osseuse qu’ils se sont intéressés. Ils ont en effet développé « les premiers organoïdes de moelle osseuse humaine » en laboratoire, afin de contribuer à la mise au point de traitements contre le cancer du sang. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Cancer Discovery [5]

« Pour bien comprendre comment et pourquoi les cancers du sang se développent, nous devons utiliser des systèmes expérimentaux qui ressemblent étroitement au fonctionnement de la moelle osseuse humaine », explique le professeur Bethan Psaila, professeur associé d’hématologie de l’université d’Oxford et auteur principal. Avec ce système, « nous sommes en mesure d’étudier le cancer directement en utilisant les cellules de nos patients, plutôt que de nous appuyer sur des modèles animaux ou d’autres systèmes plus simples qui ne nous montrent pas correctement comment le cancer se développe dans la moelle osseuse des véritables patients ».

Les chercheurs pourraient ainsi être en mesure de tester des traitements personnalisés pour des patients spécifiques, sur leurs propres cellules cancéreuses, afin de trouver les thérapies les plus susceptibles de traiter le cancer.

 

[1] Dans le système « organoïde » développé, les chercheurs sont parvenus à faire se différencier environ la moitié des cellules. Les cellules cultivées en laboratoire ont produit des hormones stéroïdiennes, comme la DHEA. Les chercheurs ont également montré que les cellules qu’ils ont cultivées pouvaient réagir à ce que l’on appelle l’« axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien », « une boucle de rétroaction qui régit la communication entre le cerveau et la glande surrénale, et inversement ».

[2] Sakata, Y., et al. (2022) Reconstitution of human adrenocortical specification and steroidogenesis using induced pluripotent stem cells. Developmental Cell. doi.org/10.1016/j.devcel.2022.10.010.

[3] Yeh Chwan Leong, Valentina Di Foggia, Hema Pramod, Maria Bitner-Glindzicz, Aara Patel, Jane C. Sowden, Molecular pathology of Usher 1B patient-derived retinal organoids at single cell resolution, Stem Cell Reports, Volume 17, Issue 11, 2022, Pages 2421-2437, https://doi.org/10.1016/j.stemcr.2022.09.006 .

[4] Les cellules nerveuses de la rétine sont difficiles à étudier car inaccessibles, très « étroitement connectées » et « délicatement positionnées à l’arrière de l’œil ».

[5] Abdullah O. Khan et al., Human bone marrow organoids for disease modelling, discovery and validation of therapeutic targets in hematological malignancies, Cancer Discovery (2022), https://doi.org/10.1158/2159-8290.CD-22-0199

Sources : News medical, Emily Henderson (21/11/2022) ; New Atlas, Michael Irving (21/11/2022) ; BioNews, Tsvetana Stoilova (21/11/2022) – Photo : PublicDomainPictures de Pixabay

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