Autorisation de la FDA
Début 2009 la Food and Drug administration (FDA) a accordé son autorisation à la société Geron Corporation, compagnie leader en recherche sur les cellules souches embryonnaires, pour un essai clinique pour des patients atteints de lésions de la moelle épinière à partir d’une lignée cellulaire embryonnaire humaine (GRNOPC1). Cette lignée a été créée par Geron et est dérivée de la lignée embryonnaire humaine H1 créée le 9 août 2001 et qualifiée pour une utilisation sur l’homme (caryotype normal et dénué de contaminants d’origine animale ou humaine).
Il s’agissait pour Geron d’initier un essai de phase I qui visait à restaurer les fonctions de la moelle épinière par des injections, à même la lésion du patient, de cellules progénitrices oligodendrocytes (cellules du tissu entourant les cellules nerveuses) dérivées de cellules embryonnaires humaines (CSEh). Le traitement, rapidement administré (dans les quinze jours après la lésion) devait permettre de régénérer la gaine de myéline.
Avant d’obtenir l’autorisation d’un essai clinique de phase I par la FDA, Geron a dû procéder à des études pré-cliniques, avec une injection de GRNOPC1 chez des populations saines animales.
Cette autorisation accordée par la FDA au premier essai clinique humain à partir de cellules souches embryonnaires humaines avait suscité de l’enthousiasme chez les chercheurs enclins à travailler sur ces cellules. “Il faut se féliciter de l’accord donné par la FDA”, estimait alors le Pr Peschanski, directeur du laboratoire I-Stem. “Les lignées de cellules SEh oligodendrocytaires préparées pour la réalisation de cet essai seront mises à la disposition des équipes pour conduire d’autres essais ce qui va nous faire gagner un temps considérable. Cela fait longtemps que nous sommes en discussion avec ce groupe et nous savons que ces chercheurs sont ouverts et prêts à échanger” se réjouissait-il. Il notait également que la France était “partie avec sept ans de retard”.
Autorisation suspendue
Pourtant au mois d’août 2009 la FDA a suspendu l’autorisation délivrée à la Geron Corporation, de se livrer à ces essais cliniques et fin 2009, la FDA n’a toujours pas redonné son feu vert.
La société est restée très vague sur les raisons de cette suspension. Il semblerait qu’elle soit liée au réexamen de certaines données sur les animaux. Geron s’est en effet livré à 24 études, menées séparément, sur des souris et des rats. Elle avait alors affirmé que toutes avaient donné des résultats satisfaisants. Mais certains des animaux ayant présenté des microkystes aux points d’injection des cellules souches humaines, après la soumission de ces données à la FDA, la décision a été prise de sursoir aux essais cliniques et de continuer les travaux sur l’animal. Le 28 octobre 2009 les résultats positifs de travaux sur l’animal ont été publiés dans Stem Cells, sous la signature de Hans S. Keirstead. Toutefois il faut souligner que ce travail publié dans Stem Cells n’est pas original, puisque S. Keirstead répète ces expériences sur les rats depuis des années. La société Geron a transmis ces nouvelles données à la FDA, qui n’a pas encore répondu.
Pour Evan Snyder, neuroscientifique dirigeant le centre de recherche sur les cellules souches de l’Institut Burnham pour la recherche médicale à San Diego, “il y a un gros débat parmi les chercheurs sur la moelle épinière, parce que les données pré- cliniques elles-mêmes ne justifient pas les essais cliniques”.
Pour Evan Snyder, neuroscientifique dirigeant le centre de recherche sur les cellules souches de l’Institut Burnham pour la recherche médicale à San Diego, “il y a un gros débat parmi les chercheurs sur la moelle épinière, parce que les données pré- cliniques elles-mêmes ne justifient pas les essais cliniques”.
Aucun essai clinique avec des CSEh
Il est utile de rappeler que les études de Geron se limitent pour l’instant à des études précliniques sur l’animal, effectuées sur des rats, car si l’annonce de l’autorisation par la FDA d’un premier essai clinique avec des cellules embryonnaires humaines a été très relayée, la suspension par la FDA de ce même essai, a fait peu de bruit… Aucun essai clinique n’est donc en cours avec des cellules embryonnaires humaines.
Ce n’est pas la première fois que la société Geron bénéficie de ce type d’annonce : la compagnie avait déjà affirmé en 2004 qu’elle entendait passer aux essais cliniques avec des cellules gliales issues de cellules souches embryonnaires pour la réparation des lésions de la moelle épinière. Elle avait recommencé l’annonce en 2005. Ces annonces vont de paire avec la hausse de sa côte en bourse.
Des essais cliniques sans CSEh
Les équipes de H. Deda et S. Kocabay ont publié en octobre 2008 les résultats très encourageants d’essais cliniques de phase I portant sur la transplantation de cellules souches autologueshématopoïétiques de moelle osseuse sur neuf patients atteints de lésion chronique complète de la moelle épinière avec défaut fonctionnel de niveau A. Ce traitement s’est révélé efficace et sûr, sans complications. L’utilisation de cellules souches autologues par ces auteurs leur a permis en particulier d’éviter les réactions de rejet immunologique et de réaction du greffon contre l’hôte, ainsi que l’apparition de tumeurs aux points d’injection que n’auraient pas manqué de provoquer une transplantation de cellules souches embryonnaires humaines, selon le modèle préconisé par S. Keirstead à partir de ses travaux sur le rat.
La riche expérience chinoise1 semble montrer que les cellules souches ombilicales, qui peuvent être utilisées chez les patients sans problème de rejet immunologique ni de tumeurs, seraient encore plus efficaces que les cellules de la moelle osseuse dans le traitement des lésions de la moelle épinière. Elles auraient de plus l’avantage de pouvoir être appliquées très vite après le traumatisme, grâce aux banques de cordon ombilical.
Il faut noter aussi d’autres résultats positifs obtenus sur des patients, dans le traitement de la sclérose en plaques par transplantation de cellules souches mésenchymateuses allogéniques2, ou de cellules souches hématopoïétiques autologues3 et par injections de cellules souches autologues de moelle osseuse4, ou de cellules souches stromales de la fraction vasculaire du tissu adipeux5. Dans tous ces cas les cellules souches n’ont provoqué aucune réaction négative chez ces patients, ont stoppé le cours de leur maladie, et ont apporté une nette amélioration de leur état.
On comprend que l’essai clinique de phase I portant sur la transplantation de cellules souches embryonnaires humaines chez des patients atteints de lésions de la moelle épinière, tel que le prévoit Geron, n’ait rien d’urgent, puisque l’on dispose déjà depuis plusieurs années du traitement des lésions de la moelle épinière par les cellules souches adultes ou par les cellules souches du cordon ombilical, et que ce traitement s’est montré sans dangers et effectif chez les patients.