France : 243 623 avortements en 2023, un chiffre encore en hausse

Publié le 25 Sep, 2024

En 2023, 243 623 avortements ont été pratiqués en France selon les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)[1]. L’année dernière, on a ainsi recensé 8 600 IVG de plus qu’en 2022, qui affichait pourtant les chiffres les plus élevés depuis 1990. Le nombre total d’IVG en 2022 a d’ailleurs « été rehaussé de 600 par rapport à la précédente publication » (cf. France : 234 300 avortements en 2022).

Plus d’avortements et moins de naissances

En 2023, le taux de recours à l’avortement s’élève 16,8 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans. Il est plus élevé entre 20 et 34 ans et a augmenté pour toutes les tranches d’âge [2]. Toutefois, l’âge de la femme au moment de l’interruption de sa grossesse était inconnu dans 946 cas [3]. La DREES estime qu’« avec l’hypothèse que ces 946 IVG concernent toujours des femmes mineures, le taux de recours calculé en les incluant atteindrait 6,0 ‰ femmes âgées de 15 à 17 ans, contre 5,3 ‰ sans les prendre en compte ».

Le ratio d’avortement, c’est-à-dire le rapport entre le nombre d’interruptions de grossesse et le nombre de naissances vivantes une année donnée, augmente également en 2023 et atteint 0,34 [4]. Cette hausse est due à la fois à la baisse du nombre des naissances et à l’augmentation du nombre des IVG. Ainsi, en 2023, pour un avortement, on compte un peu moins de trois naissances.

L’impact de l’allongement des délais ?

Selon la DREES, l’allongement du délai légal de recours à l’IVG, passé à 14 semaines de grossesse en mars 2022, ne suffit pas à expliquer cette augmentation (cf. Avortement : Les députés adoptent définitivement la PPL Gaillot). 4 275 IVG ont été pratiquées entre 14 et 16 semaines d’aménorrhée (SA) en 2023.

« Avant la prolongation du délai autorisé de 14 à 16 SA, 1 % des IVG en établissement de santé étaient enregistrées avec un terme supérieur à 14 SA, précise la Direction. Dans ces conditions, il est difficile de chiffrer exactement le nombre d’IVG concernées par l’allongement du délai de recours à l’IVG. Les données disponibles indiquent que 3,0 % des IVG réalisées en 2023 en établissement de santé ont concerné des grossesses entre 14 et 16 SA. On estime donc que les IVG au-delà de 14 SA pratiquées en établissement hospitalier en 2023 représentent 2 % à 3 % de l’ensemble des IVG en établissement et 1 % à 2 % du total des IVG. »

Selon la DREES, il est « probable » que ce pourcentage « augmente encore un peu du fait de la diffusion progressive de cette pratique récente ». Il était estimé à 1,5 % des cas en 2022.

Des sages-femmes qui pratiquent des IVG

La très grande majorité des avortements, 79%, sont des avortements médicamenteux. Le recours à la téléconsultation pour ce type d’IVG a été autorisé lors du premier confinement de 2020 (cf. En France, l’IVG médicamenteuse à domicile possible jusqu’à 9 semaines) et a été pérennisé après la crise sanitaire. En faisant fi de l’aval la représentation nationale (cf. Olivier Véran auditionné par la délégation aux droits des femmes : promouvoir l’IVG par tous les moyens). La DREES ne peut recenser que les cas où la téléconsultation donne lieu à la remise de produits abortifs par un pharmacien, soit 1262 en 2023. En revanche, « lorsque la téléconsultation concerne la première consultation ou la consultation de suivi, ce n’est pas détectable dans le parcours de la femme, ce qui peut créer une sous-estimation des IVG réalisées en téléconsultation », note la Direction.

Un recensement plus précis

Dans sa note annuelle, la DREES consacre un encadré conséquent aux « sources mobilisées pour dénombrer les IVG »[5]. Elle y souligne que « la précision des effectifs a été améliorée depuis 2022 (et rétropolée à partir de 2016), en faisant le lien entre les différents épisodes du parcours de soins suivi par une même femme ». En effet, « ceci permet d’identifier les reprises d’IVG (à la suite d’un échec ou d’une complication de la méthode initiale) parfois codées comme une nouvelle IVG »[6]. Cette « correction des données » « a permis de retirer 7 758 reprises d’IVG des données brutes observées et de recenser 9 531 femmes (4 %) ayant eu recours à plus d’une IVG en 2023, avec un écart de plus de neuf semaines entre deux IVG consécutives ».

Ces « reprises » représentent donc plus de 3 % des avortements en 2023 (cf. IVG en France : au milieu des chiffres, 3,1% de « réinterventions »). Les femmes sont-elles informées de ces risques, alors que la procédure est toujours plus banalisée ? (cf. IVG : une femme témoigne « ce n’était pas “mon choix”, mais “ma peur”»)

« L’inscription de l’IVG dans la Constitution montre bien la volonté de ne plus pouvoir discuter cette question, devenue une évidence morale que tous doivent admettre », souligne la philosophe Chantal Delsol dans une tribune récente [7]. Pourtant ces chiffres, encore une fois à la hausse, ne devraient-ils pas pousser à s’interroger ?

 

[1] La DREES précise que « les IVG réalisées en dehors du système de soins ne sont pas comptabilisées ici ».

[2] Il est de « 28,0 ‰ parmi les 20-24 ans, 29,7 ‰ parmi les 25-29 ans, et 25,5 ‰ parmi les 30-34 ans, contre 16,5 ‰ parmi les 18-19 ans et 18,6 ‰ parmi les femmes de 35 à 39 ans ».

[3] Il s’agit d’IVG « codées avec un identifiant anormal, ne permettant pas de relier cet acte à d’autres consommations de soins de la femme, souvent pour préserver son anonymat ».

[4] +0,03 par rapport à 2022

[5] « A partir de mars 2019, l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) a introduit de nouveaux codes diagnostics pour le codage des IVG, en ajoutant une extension spécifique à l’IVG (« 0 » en 5e position) au code O04 (avortement médical) de la classification internationale des maladies (CIM-10) utilisée en France (O04.00, O04.10, O04.20, O04.30, O04.40, O04.50, O04.60, O04.70, O04.80 et O04.90). Ce codage plus précis permet de mieux distinguer les IVG des interruptions médicales de grossesses (IMG) avant 22 SA, et de prendre en compte les IVG avec hospitalisation de plus de deux jours, auparavant exclues. Ces IVG, peu nombreuses (0,6 % des IVG hospitalières), correspondent à des séjours avec complications ou à un contexte pathologique particulier chez les femmes », indique la DREES.

[6] « Si deux IVG ont été réalisées pour une même femme dans un délai inférieur à neuf semaines, une seule IVG est comptabilisée, indique la DREES. En effet, il est peu probable dans ce délai qu’une nouvelle grossesse soit survenue, et il s’agit plutôt de complications, de rétention à la suite d’une IVG, ou d’échecs de la première méthode. »

[7] Le Figaro, Chantal Delsol : «Le ministère de la Famille, énième victime du magistère moral de la gauche» (22/09/2024)

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