Introduire des modifications génétiques dans l’embryon en modifiant le sperme humain avec CRISPR ?

Publié le 10 Juil, 2018

Des scientifiques américains ont réussi à introduire les composants du CRISPR-Cas9 à l’intérieur de spermatozoïdes humains[1]. Cette première ouvre la voie permettrait de prévenir les maladies génétiques transmises par les pères. « En théorie, tous les troubles monogéniques transmissibles par l’homme peuvent être traités si nous sommes en mesure d”utiliser CRISPR / Cas9 avec succès sur le sperme », a déclaré le Dr Diane Choi, chercheur principal chez Weill Cornell Medicine à New York.

 

Aujourd’hui, les chercheurs savent utiliser la technologie CRISPR sur les embryons tout juste fécondés (cf. Etats-Unis : premiers embryons humains modifiés génétiquement  et Embryons génétiquement modifiés : les détails de l’étude américaine publiés ), mais la rapidité de division des cellules engendre un fort risque de mozaïcisme : certaines cellules peuvent modifiées et d’autres non.

 

Pour permettre aux composants CRISPR de percer la membrane du spermatozoïde, les chercheurs ont donné une impulsion électrique de 1100 volts pendant un cinquantième de seconde, ce qui leur permet de s’introduire dans les spermatozoïdes, sans pour autant les tuer ; ils restent « relativement sains ». Si la motilité des spermatozoïdes a été réduite de moitié, les plus forts d’entre eux sont parvenus jusqu’à l’ovocyte et l’ont fécondé, sans que les chercheurs aient eu recours à une ICSI.

 

Cependant, ils n’ont pas pu vérifier si la mutation génétique de CRISPR était effective. Dans le cas où elle aurait eu lieu, ils ignorent si elle est intervenue avant ou après la fécondation de l’ovocyte. En cas d’édition génétique post fécondation, le problème de mozaïcisme demeure. Tony Perry, professeur à l’Université de Bath au Royaume-Uni et expert reconnu en édition du génome, est dubitatif sur les chances de réussite de la modification génétique de sperme : « c’est un gros ‘si’. Je pense que c’est peu probable », reconnaît-il.

 

L’utilisation de la technique du CRISPR-Cas9 sur l’embryon ou les gamètes humains n’est pas dénuée de risques. Outre le mosaïcisme mentionné par les chercheurs, elle  est à l’origine de mutations génétiques hors cible induites par CRISPR (cf. CRISPR-Cas9, le « ciseau génétique », responsable de centaines de mutations incontrôlées ), qui seraient transmises définitivement à toutes les générations ultérieures. Dans l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible non plus de prédire les conséquences à long terme de ces mutations : maladies, cancers, etc.

Créer un être humain génétiquement modifié (cf. “Dans l’indifférence générale, voici venu le temps des humains génétiquement modifiés (HGM)” ) nourrit aussi la tentation eugénique du ‘bébé à la carte’ (cf. “Bébés sur mesure” sur Arte : du mythe de l’enfant parfait à l’eugénisme ). Les Chinois réalisent déjà des études sur la modification génétique des embryons, les résultats sont faibles et la mortalité élevée (cf. CRISPR : nouvelle publication chinoise révélant des tests sur l’embryon humain ).

Pour aller plus loin :

Comment protéger le génome humain, patrimoine de l’humanité ?

 

 

[1] Bionews, Charlotte Spicer (06/08/2018) – Scientists use CRISPR in human sperm cells

 

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