Fin de vie : « Vous n’allez pas d’abord légiférer sur une certaine idée de la liberté ou de la fraternité, mais sur des personnes, des personnes bien vivantes ! »

3 Avr, 2025

Avant l’examen des deux propositions de loi relatives à la fin de vie qui va débuter en Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 9 avril prochain (cf. Fin de vie : le top départ est donné et déjà les questions émergent), la Commission mène différentes auditions. Pour la forme ?

« En fait il est assez tard. Si vous voulez des vraies questions avec une attention portée aux réponses, il vaut mieux qu’on entame le plus vite possible le débat. »

Mardi, à 21h30, les associations Alliance Vita, Le Choix, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et la Fondation Jérôme Lejeune étaient auditionnées. Frédéric Valletoux (Horizons & Indépendants), président de la Commission des affaires sociales, ouvre la table ronde en fixant les modalités, attribuant 5 minutes à chaque association.

Devant l’objection des auditionnés qui précisent qu’on leur avait promis un temps de parole de 10 minutes, le député réplique : « En fait il est assez tard. Si vous voulez des vraies questions avec une attention portée aux réponses, il vaut mieux qu’on entame le plus vite possible le débat ». « Je rappelle qu’on est sur des sujets qui ont déjà donné lieu à de nombreuses auditions il y a quelques mois et que les députés qui sont ici ne découvrent pas le sujet. »

Seule une poignée de députés ont pris le temps de venir écouter les associations convoquées à une heure tardive. Et venues défendre des éthiques radicalement différentes.

L’affrontement de deux systèmes de valeurs

En effet, quand le Dr Olivier Trédan, cancérologue et conseiller médical d’Alliance VITA, rappelle que la mission des soignants « en ayant choisi d’accompagner quotidiennement des patients touchés par la maladie aussi difficile que le cancer, est de prendre soin de la vie de nos patients et non d’administrer la mort », le Dr Denis Labayle, président d’honneur de l’Association Le Choix explique « accompagner régulièrement » des Français mourir en Suisse ou en Belgique, sans susciter d’émotion apparente dans l’auditoire.

Quand Yoann Brossard, secrétaire général de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) enjoint : « L’autodétermination doit rester la boussole du législateur », Véronique Bourgninaud, chargée de plaidoyer Dignité, handicaps et pathologies à la Fondation Jérôme Lejeune objecte : « Vous n’allez pas d’abord légiférer sur une certaine idée de la liberté ou de la fraternité, mais sur des personnes, des personnes bien vivantes ! » (cf. Euthanasie : « la ligne d’arrivée de cette course à l’émancipation, c’est l’isolement et la solitude »).

Un débat biaisé ?

« Cette proposition fausse les règles démocratiques en imposant un vocabulaire sélectionné qui interdit d’utiliser les mots qui désignent avec précision ce dont on parle », souligne Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune. Un point que soulignera le Dr Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), lors de son audition le lendemain. Le médecin interpelle le législateur sur le titre de la proposition de loi visant à autoriser l’euthanasie et le suicide assisté, pourtant simplement intitulée proposition de loi « relative à la fin de vie ». « Est ce qu’on va légaliser la fin de vie ? Est-ce que la fin de vie était illégale jusque-là ? », interroge-t-elle. « On accompagne les patients jusqu’à la fin de vie depuis longtemps, il est important de dire de quoi on parle. »

L’euphémisme des mots pourrait-il adoucir la violence des faits ? (cf. Euthanasie : « ce n’est pas le mot qui est violent, c’est bien l’acte qu’il désigne ») N’est-il pas légitime de réclamer un débat en des termes clairs ?

« La charge de la preuve devrait être renversée, pointe Jean-Marie Le Méné. Quelles seraient les bonnes raisons pour justifier la mort administrée à nos concitoyens ? Ce ne sont pas les chiffres des demandeurs : ils sont faux. Ce n’est pas l’alternative de la souffrance ou la mort, elle est truquée. Ce n’est pas la vérité des mots sur la fin de vie, elle est cachée. »

Les risques de dérives balayées d’un revers de main

« Je suis fille d’un grand tétraplégique, et mère de deux enfants handicapés, je suis une praticienne de la fragilité », témoigne Véronique Bourgninaud. « Je veux vous faire connaître, parce que je la vis, la pression collective que la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté mettra sur les personnes vulnérables », alerte-t-elle. « Le risque est trop grand de contribuer à installer un gigantesque impensé collectif selon lequel on serait moins digne de vivre quand on est fragile, dépendant, ou qu’on pèse financièrement sur ses proches ou sur la société. »

Des craintes balayées, par le rapporteur de la proposition relative à la « fin de vie », Olivier Falorni (Les Démocrates), comme par les militants de l’euthanasie. Le rappel des « exemples » fournis par la Belgique (cf. Euthanasies en hausse, augmentation des « polypathologies » : la Commission de contrôle belge rend son rapport bisannuel), les Pays-Bas (cf. Pays-Bas : près de 10 000 euthanasies en 2024) ou encore le Canada (cf. Canada : l’ONU appelle à interdire l’euthanasie des personnes handicapées) n’y feront rien.

« Nous avons compris qu’aucun argument n’était pertinent pour infléchir la ligne de cette loi », observe Jean-Marie Le Méné. Le texte « ne vise en réalité qu’à répondre à une pression idéologique utilitariste et économique, mais pas à la souffrance en fin de vie, poursuit-il. Les soins palliatifs qui coûtent cher seront donc bons pour les riches et l’euthanasie qui ne coûte rien sera bien assez bonne pour les pauvres. Au moins, nous sommes prévenus. »

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