Le 8 avril, les députés débattront de la proposition de loi « donnant droit à une fin de vie libre et choisie » déposée par Olivier Falorni. Malgré le rejet d’un texte similaire au Sénat mi-mars (cf. Le Sénat rejette l’euthanasie, le gouvernement fait des annonces), le militantisme euthanasique avance. En prévision des débats, Olivier Falorni a mené durant trois jours des auditions d’intervenants de tous bords. Gènéthique reproduit ici les contributions de la délégation de la Fondation Jérôme Lejeune, entendue le 24 mars.
Contribution de Lucie Pacherie, juriste à la fondation Jérôme Lejeune
« On meurt mal en France », « la loi est mal connue », « la loi est mal appliquée », voilà les raisons invoquées depuis 15 ans et encore aujourd’hui pour justifier les légalisations successives sur la fin de vie.
Ce constat du mal mourir avait donné lieu à la loi Leonetti de 2005, qui avait trouvé des réponses en intégrant le refus de « l’obstination déraisonnable », la théorie du double effet, ou encore une meilleure articulation entre la volonté du patient et le devoir du médecin « de tout mettre en œuvre pour prodiguer les soins indispensables », principes prévus par les articles L1110-5 et L1111-4 du code de la santé publique d’alors. Mais cette loi donnait en même temps une autre orientation en rendant possible « le refus ou l’interruption de tout traitement ». Fallait-il encore savoir ce qu’incluait le terme traitement. L’exposé des motifs de cette loi en donnait déjà une définition : « en autorisant le malade conscient à refuser tout traitement, le dispositif viserait implicitement le droit au refus à l’alimentation artificielle ». L’affaire Vincent Lambert a d’ailleurs confirmé l’esprit de la loi de 2005. Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 24 juin 2014 a considéré que « l’alimentation et l’hydratation artificielles […] qui tendent à assurer de façon artificielle le maintien des fonctions vitales du patient, constituent un traitement au sens de cette même loi ».
Les juridictions administratives ont donc validé la légalité de la privation d’alimentation et d’hydratation artificielles de Vincent Lambert, en situation de handicap, de grand handicap, dit état « pauci relationnel ». Il faut préciser que cet état touche plus de 1 500 personnes qui vivent aujourd’hui avec ce grand handicap et qui reçoivent les soins adaptés. La loi Leonetti de 2005 prévue selon son intitulé pour les malades et les personnes en fin de vie a donc été étendue sans concertation ni débat national aux personnes handicapées ni malades, ni en fin de vie.
Et puis dès 2015 le débat sur la fin de vie s’est ré-ouvert arguant que la loi de 2005 était mal connue et mal appliquée. Loin de trouver des solutions à la méconnaissance de la théorie du double effet par exemple, la loi Claeys-Leonetti est en réalité allée plus loin. Elle a fait un pas de plus dans l’acceptation de provoquer la mort, en prévoyant un droit à la sédation profonde et continue associée à la suspension de la nutrition et de l’hydratation artificielles. La loi de 2016 n’a pas été écrite ex nihilo. Elle s’est appuyée sur le principe d’arrêt de l’alimentation artificielle posé par la loi de 2005. Elle est aussi venue expliciter la jurisprudence Vincent Lambert, et déployer dans le contexte médical, une procédure d’endormissement définitif par voie de sédation couplé à l’arrêt de nutrition et d’alimentation artificielles, qui fait mourir en quelques jours. Elle a aussi rendu contraignante les directives anticipées, qui n’avaient qu’un caractère indicatif en 2005, déséquilibrant ainsi la relation patient-médecin, et reléguant l’art médical à une prestation de service.
Votre proposition de loi est encore plus explicite, en ce qu’elle propose sans détour une assistance médicale à mourir. Elle propose donc une exception médicale à l’interdiction de provoquer la mort d’autrui. Contrairement à Mme de la Gontrie vous ne présentez pas votre proposition de loi comme une réponse au fait que « la loi est mal connue et mal appliquée ». Il n’en demeure pas moins que vous proposez un détournement de l’article 38 du code de déontologie médicale qui interdit au médecin de « provoquer délibérément la mort », vous proposez un contournement des articles 16 et 16-3 du code civil qui prohibent « l’atteinte à l’intégrité du corps humain » et enfin vous proposez une exception à l’article 221-1 et suivants du code pénal qui incriminent de façon absolue l’homicide volontaire.
Vous aurez compris que nous avons une lecture critique des lois Leonetti et Claeys Leonetti en ce qu’elles ont institué des dérives euthanasiques, une sorte d’anti-chambre inéluctable à l’assistance médicalisée à mourir. Nous abordons avec d’autant plus de réserves votre proposition de loi qui nous semble contraire aux principes fondateurs de notre droit français, garants du respect des personnes dans tous leurs états, y compris les plus vulnérables. Ils sont le gage de la solidarité et de la fraternité.