Fin de vie : les personnes vulnérables en première ligne des inquiétudes

20 Mai, 2025

Lors de la séance nocturne de lundi, les débats ont porté sur la protection des personnes les plus fragiles : majeurs protégés, patients atteints de troubles psychiatriques, personnes déficientes intellectuelles. Les députés ont abordé la difficile articulation entre autonomie et protection.

Majeurs protégés : une exclusion demandée, mais non retenue

Philippe Juvin (Droite Républicaine) défend plusieurs amendements visant à exclure les majeurs sous tutelle ou curatelle : « Il y a une asymétrie juridique ». Patrick Hetzel (Droite Républicaine) et Thibault Bazin (Droite Républicaine) insistent sur la nécessité de prendre en compte l’éthique de la vulnérabilité.

Mais pour la rapportrice Brigitte Liso (Ensemble pour la République), les garanties des articles 5 et 6 sont suffisantes. Le rapporteur général Olivier Falorni (Les Démocrates) indique que l’inclusion des majeurs protégés est conforme aux recommandations du Conseil d’Etat et à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées.

Troubles psychiatriques : entre stigmatisation et prudence

Face à une psychiatrie en crise, Philippe Juvin cite une lettre de professionnels alertant sur le message envoyé aux patients suicidaires et Thibault Bazin met en garde contre des décisions prises dans des contextes de souffrance mentale non prise en charge.

Pour Patrick Hetzel, la rédaction de l’alinéa 7 de l’article 5 n’est pas très précise : « Par parallélisme des formes il serait pertinent que le juge soit saisi, préconise l’élu. Dans un dossier médical vous avez les antécédents des patients et bien dans un dossier juridique il y a les antécédents juridiques, le médecin peut ne pas les connaître. Il serait pertinent de saisir le juge ». « Il faut assurer la protection et prévenir les abus », interpelle le député.

Mais pour Sébastien Peytavie (Ecologiste et Social), ces exclusions sont discriminatoires : « Une personne avec un trouble psychiatrique mais atteinte aussi d’un cancer ne doit pas être exclue ».

L’article 6, selon ses défenseurs, garantit déjà que la volonté doit être libre et éclairée, ce qui exclut de fait des situations de discernement altéré, considèrent-ils.

Déficience intellectuelle : la controverse s’intensifie

Vincent Trébuchet (UDR) évoque le cas des personnes déficientes intellectuelles : « Nous voulons protéger ces personnes-là et pas nécessairement les stigmatiser. L’OMS définit la déficience intellectuelle par une capacité réduite de comprendre une information nouvelle. Et n’est-ce pas d’ailleurs là une affection grave et incurable ?, relève l’élu. Ça veut dire qu’elles seront éligibles à la possibilité de l’aide à mourir, prévient-il. Alors vous me direz, le consentement sera requis de manière éclairée évidemment », anticipe le député qui a des arguments à faire valoir. En effet, il cite une étude de la Cambridge University Press qui a été faite sur les Pays-Bas où l’euthanasie a été légalisée en 2002 et où « en 2024 il est prouvé que des personnes ont été euthanasiées sur le seul fondement de leur déficience intellectuelle » (cf. Pays-Bas : des personnes euthanasiées seulement en raison de leur déficience intellectuelle). « Si donc nous souhaitons protéger ces personnes et non les stigmatiser, c’est bien parce qu’il existe des risques accrus que l’euthanasie ou le suicide assisté leur soit appliqué », poursuit Vincent Trébuchet. Le député termine en soulignant que ces personnes « ont une capacité plus grande à intérioriser les désirs que peuvent porter sur elles leur entourage ».

Alors que Sébastien Peytavie interroge : « Une personne trisomique atteinte d’un cancer incurable ne pourrait-elle être entendue ? », Annie Vidal (Ensemble pour la République) cite les alertes de familles et d’associations : « Nous avons été alertés par leurs familles, par les professionnels qui les entourent, par des associations qui sont très engagées auprès de ces personnes pour les protéger » (cf. « Un gros risque en plus » : exclure les personnes handicapées du dispositif légal de mort administrée est « une urgence absolue »). « Et puis, nombre d’études montrent que les personnes en situation de vulnérabilité sont davantage soumises à des phénomènes de maltraitance, qui sont des phénomènes assez complexes, qui renvoient à des situations très différentes, argumente Annie Vidal. Et donc, ces personnes ont, je pense, beaucoup plus besoin de protection que les autres. » « Ce n’est pas du tout notre objectif que de les stigmatiser, mais bien de les protéger pour qu’elles soient en dehors de toute pression, qui, dans un moment d’incompréhension de ce qu’on leur propose, pourraient faire cette demande », explique-t-elle.

Dominique Potier (Socialistes et apparentés) ajoute sa préoccupation à celle de ses collègues. Il appelle à « faire preuve de prudence » : « L’intégration ne signifie pas l’exposition à un choix aussi définitif ».

En guise de réponse à ces mises en garde Olivier Falorni se contente d’assurer que « la notion de discernement est tout sauf évacuée, c’est le cœur de l’article 6 », poursuivant avec une légèreté qui interroge : « Lisez tous l’alinéa 3 avant d’aller faire dodo et vous dormirez sereinement ».

L’ensemble des amendements visant à protéger les personnes atteintes de déficience intellectuelle sont rejetés, comme tous les autres amendements protecteurs auparavant. Mais les questions qu’ils soulèvent demeurent entières.

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