« Passer du temps avec des personnes qui vivent leurs derniers jours m’a montré que nous n’avons pas besoin d’aide médicale à mourir, mais de meilleurs soins de fin de vie », témoigne Gordon Brown, ancien Premier ministre du Royaume-Uni [1]. Il tire son opposition à la proposition de loi britannique visant à légaliser le suicide assisté de son expérience personnelle (cf. Suicide assisté : une proposition de loi très controversée au Royaume-Uni). En 2001, il a perdu sa fille, âgée seulement de 11 jours. « Les jours que nous avons passés avec elle restent parmi les plus précieux de ma vie et de celle de Sarah [2] ».
Sa voix rejoint celle de plusieurs parlementaires et membres du gouvernement, auxquelles s’est également ajoutée celle de Shabana Mahmood, secrétaire à la Justice qui dénonce un « service public de la mort ».
L’opposition des universitaires comme des religieux
Au-delà des personnalités politiques, 73 experts universitaires dans le domaine de la santé, de la fin de vie et du droit ont signé une lettre ouverte pour s’opposer à la proposition de loi. Faisant écho aux préoccupations de la baronne Tanni Grey-Thompson, 11 fois médaillée d’or paralympique et désormais membre de la Chambre des Lords, ils craignent les pressions qui pèseront sur les personnes vulnérables. Selon ces experts, l’argument central en faveur du changement de la loi, c’est-à-dire « la nécessité de donner le choix », est « trop simpliste » (cf. Fin de vie : « disposer d’un choix n’est pas bénéfique par nature »). Et le processus parlementaire est « inadéquat » pour une question d’une « telle complexité éthique et juridique ».
« Les lois doivent se soucier de la sécurité de l’ensemble de la population, en particulier des plus vulnérables », interpellent-ils.
De leur côté, un groupe de responsables religieux a également signé une lettre s’opposant au texte. Il rassemble des signataires chrétiens, musulmans, juifs, hindouistes et sikhs. Un « droit à mourir » pourrait « trop facilement » donner aux personnes vulnérables le sentiment qu’elles ont « le devoir de mourir », avertissent-ils.
Une violation des droits de l’homme
La Commission pour l’égalité et les droits de l’homme s’est aussi prononcée contre la proposition de loi. Selon l’organisme de surveillance, elle « violerait la législation sur les droits de l’homme ».
En effet, l’offre de soins palliatifs au Royaume-Uni est si « disparate et inégale » qu’il n’y a, en fait, « pas de libre choix », argumente la Commission dans une critique détaillée. Dès lors, la nouvelle loi proposée pourrait « forcer les personnes en phase terminale à choisir une mort assistée, en violation de leurs droits en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme ».
Vers un débat bâclé ?
Vendredi, cinq heures de débat ont été prévues. Or « plus de 100 députés » auraient indiqué vouloir prendre la parole. A ce stade, aucune limite de temps n’a été annoncée pour les interventions.
Ce manque de temps est dénoncé par les opposants au texte, quand ses partisans considèrent qu’un débat « plus approfondi » pourrait avoir lieu après l’approbation de principe de la modification de la loi vendredi.
Les opposants pointent en outre l’absence d’étude d’impact, conséquence du fait que le texte a été présenté par une députée, Kim Leadbeater, et n’émane pas du gouvernement. S’il n’est pas rejeté maintenant, cette « idée mal pensée » pourrait alors être dotée d’un « élan inéluctable ».
[1] de 2007 à 2010
[2] NDLR : Sarah est le prénom de la femme de Gordon Brown
Sources : The Guardian, Gordon Brown (22/11/2024) ; The Guardian, Toby Helm (23/11/2024) ; The Independent, David Maddox (24/11/2024) ; The Independent, William Warnes (24/11/2024) ; The Telegraph, Charles Hymas (22/11/2024) ; BBC, Chris Mason (25/11/2024)