Fin de vie : l’audiovisuel public repart en campagne

14 Jan, 2025

Qui dit nouvelle année, dit nouvelles résolutions. Pourtant, en matière de pluralisme, il semble que les années se suivent, et se ressemblent. En octobre 2023, le service public proposait une soirée de promotion de l’euthanasie et du suicide assisté (cf. La promotion du suicide et de l’euthanasie en prime time sur le service public). Jeudi 30 janvier, France 2 a programmé, à nouveau en prime time, un documentaire sur l’euthanasie d’une femme québecoise [1]. Le choix d’Odette sera diffusé quelques jours avant une possible reprise du débat de la proposition de loi relative à la fin de vie (cf. François Bayrou à Matignon : un changement de cap sur la fin de vie ?). « Bien sûr il ne s’agit pas d’influencer le débat parlementaire, qu’allez-vous imaginer… », ironise l’essayiste et bénévole en soins palliatifs Erwan Le Morhedec, sur X. « Le pluralisme auquel votre cahier des charges vous astreint vous conduira-t-il un jour à proposer une soirée critique sur l’euthanasie ? », interpelle-t-il France télévisions.

« Chez elle, au Québec, on ne parle ni d’euthanasie, ni de suicide assisté. L’aide médicale à mourir est vue comme un soin, par les citoyens comme par les médecins », assure le communiqué de presse. Un communiqué qui omet de dire que chez elle, au Québec, la Commission sur les soins de fin de vie a fait le constat d’une augmentation des euthanasies qualifiées pudiquement de « non conformes » (cf. « Aide médicale à mourir » : les médecins québécois rappelés à l’ordre ; Québec : 23 euthanasies « non conformes » dans la quasi-indifférence de l’Exécutif). Et que, chez elle, au Québec, l’augmentation constante des euthanasies interroge à tel point que Sonia Bélanger, la ministre responsable des Aînés et déléguée à la Santé, a décidé de financer une recherche sur les facteurs pouvant expliquer cette hausse (cf. Québec : l’euthanasie en hausse de 17 %).

Influencer l’opinion…

L’audiovisuel public français n’est pas seul à vouloir faire pencher la balance vers la mort administrée. Récemment, les films promouvant l’euthanasie ou le suicide assisté se sont multipliés. Dernier en date, La chambre d’à côté de Pedro Almodovar. « A New York, Martha (Tilda Swinton), correspondante de guerre, sait que son cancer est sans rémission possible. Elle se procure un poison létal et demande à sa vieille amie, Ingrid (Julianne Moore), écrivaine à succès, de l’accompagner vers la mort qu’elle a choisie. Dans une maison sublime, à la campagne, réchauffées par les couleurs chères au maestro espagnol, elles font, non sans accrocs ni douleur, ce chemin que seule leur amitié peut ouvrir », « résume » France info [2].

« Elles sont lumineuses pour dire, avec Almodovar, qu’il n’y a rien de glauque à choisir sa propre fin de vie. » « Rien de glauque » à promouvoir le suicide assisté comme seul accompagnement possible d’un proche ? De film en documentaire, l’objectif ne serait-il pas de modeler l’opinion publique ? (cf. Fin de vie : l’opinion publique manipulée ?)

… et le processus législatif

En Suisse, un projet de recherche vise [3] à rassembler les œuvres du monde entier sur le sujet, à les analyser et les rendre accessibles « avec des points de référence pour le processus législatif et le débat médiatique » [4].

Pour le moment 60 œuvres environ ont été « préparées pour les archives ». « Nous avons déjà plus de 350 œuvres dans notre collection, que nous rendrons progressivement accessibles » poursuit Anna Elsner, professeur de culture française et de Medical Humanities à l’Université de Saint-Gall et initiatrice du projet. Elle assure qu’il s’agit d’« une archive neutre en termes de valeurs, un fonds de recherche qui ne cherche pas non plus à étayer une thèse ». Elle constate toutefois qu’« il est fascinant de voir à quel point [l’]influence [de ces œuvres] est forte ». « Le fait que l’art soit activement cité dans le processus législatif a augmenté au cours des dix dernières années » relève en outre le professeur.

« [Le] retour [du débat sur l’aide à mourir] à l’agenda politique est encore incertain, au grand désarroi de nombreux malades », peut-on lire dans le communiqué de France télévisions daté du 7 janvier. Le choix d’Odette ou La chambre d’à côté seront-ils évoqués par les élus lors de leurs prochains débats ? La même place sera-t-elle laissée à des œuvres promouvant autre chose que la mort programmée, comme le documentaire proposé par C8 et intitulé A l’écoute des soins palliatifs ? A l’aune de l’expérience passée, il est possible d’en douter.

 

[1] Communiqué de presse France télévisions, Envoyé spécial – Le choix d’Odette (07/01/2025)

[2] France info, “La chambre d’à côté” : Almodovar, en douceur face à la mort, Thierry Fiorile, Matteu Maestracci (11/10/2025)

[3] Assisted Lab’s Living Archive of Assisted Dying « Le projet Assisted Lab a été sélectionné par le Conseil européen de la recherche pour le programme Starting Grant ; il est principalement financé par le Secrétariat d’État suisse à la formation, à la recherche et à l’innovation (SERI). Les autres soutiens sont les universités de Saint-Gall, de Zurich, de Glasgow, de Newcastle, l’Université Mc Gill de Montréal et la Fondation Camargo de Cassis. »

[4] SwissInfo, De plus en plus de pays légalisent l’euthanasie: l’influence de la littérature et du cinéma, Marc Leutenegger (07/01/2025)

 

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