Fin de vie : l’arrêt de l’alimentation des nouveau-nés, un acte qui divise les soignants

Publié le 17 Sep, 2012

Mercredi 19 septembre, le sociologue Philippe Bataille publie un livre, "A la vie, à la mort", sur l’euthanasie, dans lequel il aborde, entre autre, la question controversée de "l’arrêt de l’alimentation chez les nouveau-nés atteints de lésions cérébrales irréversibles". Dans une interview parue sur le JDD.fr le 16 septembre 2012, l’auteur dit ne "pas prôner une loi sur l’euthanasie mais le droit à réclamer la mort, à réclamer une aide active à mourir, quand on est allé au bout de ses souffrances". Il ajoute : "il faut que la médecine entière s’approprie ce débat sur la mort. On ne peut pas se contenter de laisser à la société le soin de fixer les bornages éthiques".

Ce même journal publie également un article réalisant un état de lieux des pratiques hospitalières en matière d’alimentation des nouveau-nés et de fin de vie. Ainsi, si la loi Leonetti interdit "les injections létales pour les bébés nés avec des lésions cérébrales", elle a cependant "ouvert la porte à une pratique rare mais controversée : l’arrêt de toute alimentation" précise le journal. Face "à un petit corps inerte qui se décharne sous les yeux de parents au bout de la souffrance", les soignants "se demandent si tel est le sens de leur métier [à savoir] voir mourir de faim un enfant, qu’ils ont tenté en vain de sauver, qu’ils ont bercé, câliné ?". Cette pratique, visant à ne plus alimenter les nouveau-nés est "certes rarissime", est autorisée par la loi Leonetti sur la fin de vie, mais "divise le monde des soignants".

Avant la loi Leonetti, "il arrivait que l’euthanasie au berceau soit pratiquée, en toute illégalité, sur de grands prématurés ou des enfants nés à terme souffrants de troubles neurologiques irréversibles" précise le Pr Philippe Hubert, chef du service de réanimation pédiatrique et néonatale de l’hôpital Necker-Enfants malades. Il ajoute : "cela était fait dans le dos des couples et sans concertation avec l’équipe paramédicale au nom du paternalisme médical alors en vigueur. Il s’agissait de n’impliquer ni les parents ni les infirmières dans ces décisions afin de les protéger d’une éventuelle culpabilité". En outre avec la loi Leonetti, "il est […] légal, par exemple de stopper la respiration artificielle d’un nouveau-né ou d’un enfant atteint de lésions neurologiques très graves", après discussion avec l’équipe soignante et les parents, explique le Pr Hubert. C’est alors "dans ces circonstances rares et dramatiques, dans les cas ou autrefois, les injections létales étaient pratiquées, que les médecins en viennent à la moins pire des solutions : débrancher les sondes alimentant le bébé".

Aujourd’hui, si la loi Leonetti a autorisé l’arrêt de l’alimentation, le Pr Hubert précise qu’ "il y a débat au sein de la communauté soignante autour de l’arrêt de l’alimentation artificielle. Pour certains, c’est un traitement qui peut être interrompu comme les autres. Pour d’autres, c’est un soin, au même titre que la toilette, qui doit être poursuivi jusqu’au bout". Il y aurait donc, en pratique, des tensions.

Ainsi, la journaliste conclut : "faut-il continuer à appliquer la loi Leonetti au cas particulier du nouveau-né, quitte à rallonger considérablement la durée des agonies ou imaginer une exception d’euthanasie au berceau ? Peut-on trouver une autre voie ? La réflexion sur la fin de vie menée par le Pr Didier Sicard à la demande de François Hollande esquissera peut-être des pistes pour débrouiller un casse-tête éthique très complexe". La journaliste termine par le sentiment d’un cadre-infirmier à l’Hôpital Necker, qui considère qu’il y a eu des "progrès [d’] accomplis en matière de transparence". En effet, selon cette dernière "les parents sont tenus au courant de tout. Ils assistent aux derniers moments de l’enfant s’ils le souhaitent. Cela n’enlève rien à leur peine mais, des mois après le décès, certains nous écrivent pour nous remercier d’avoir été présents et humains".

JDD.fr (Anne-Laure Barret) 16/09/12

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