Le 19 juillet dernier, Olivier Falorni a annoncé dans un tweet déposer la première proposition de loi de la 17ème législature, et elle est relative à la fin de vie (cf. Fin de vie : l’« obstination déraisonnable » d’Olivier Falorni). « Ce texte vise à poursuivre le chemin brutalement interrompu par la dissolution. Elle reprend donc intégralement le texte voté par la commission ainsi que tous les amendements adoptés en séance » déclare-t-il [1]. En raison de cette interruption, la proposition de loi contient actuellement quelques incohérences. Par exemple, la définition de l’« aide à mourir » entre les articles 22 et 29 ; l’article 22 (ancien art. 5 du projet de loi adopté en première lecture) ne permet pas à une personne volontaire de pratiquer l’euthanasie alors que l’article 29 (ancien art. 11 non examiné) l’autorise.
Enregistré par la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre, le texte déposé par le député de Charente-Maritime comporte 40 articles [2]. Les 20 premiers sont consacrés au titre I : « Garantir les soins palliatifs et renforcer les soins d’accompagnement et les droits des personnes malades partout sur le territoire ». Les 20 autres au titre 2 : « Aide à mourir ».
La reprise du projet de loi avec un découpage différent
Malgré un découpage plus conséquent (le projet de loi n’était composé que de 21 articles), le fond reste en substance le même que celui proposé, et en partie voté, avant la dissolution (cf. La dissolution de l’Assemblée dissoudra-t-elle aussi le projet de loi sur la fin de vie ?). Ainsi, la proposition de loi dans sa première partie :
- Définit les soins d’accompagnement qui regroupent les « soins de support », les les soins palliatifs et incluent l’ « aide à mourir » (cf. « Soins d’accompagnement » : médecins et infirmiers opposés au changement de terminologie) ;
- Crée des maisons d’accompagnement (cf. Maisons d’accompagnement : « Ce n’est pas le “but lucratif” qui est dangereux, mais le “but euthanasique” ») ;
- Met en place un plan personnalisé d’accompagnement dans lequel sont intégrées les directives anticipées ainsi que la désignation de la personne de confiance.
Dans sa seconde partie, le texte d’Olivier Falorni, légalise le suicide assisté et l’« exception d’euthanasie » pour les personnes empêchées physiquement. Les conditions d’accès à la procédure seraient les suivantes :
« 1°Etre âgé d’au moins dix-huit ans ;
« 2°Etre de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ;
« 3°Etre atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ;
« 4°Présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ;
« 5°Etre apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. »
Par ailleurs, la proposition de loi souhaite intégrer l’« aide à mourir » dans le code de la santé publique. Elle serait ainsi assimilée à des « actes de prévention, d’investigation ou de soins » relevant du « droit de recevoir les soins les plus appropriés » (cf. Fin de vie : « On est en train de remettre en cause l’éthique et les valeurs du soin »).
Quel avenir pour cette proposition de loi ?
Pour son texte, le député réunit 169 signatures afin de proposer, comme il le dit, un texte transpartisan. Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale en est la deuxième signataire, et les noms recensés rassemblent effectivement un certain nombre de partis politiques tels que les Démocrates, Ensemble pour la République, La France Insoumise, Horizons, les Socialistes ou encore le parti Ecologiste. Néanmoins, seule une députée, Frédérique Meunier, est issue la Droite républicaine. Aucun député du Rassemblement national n’a co-signé cette proposition de loi.
Cela étant, si le député veut faire passer sa proposition de loi, le contexte politique particulier ne lui offre pas beaucoup de choix. Olivier Falorni pourrait mettre son texte à l’agenda d’une niche parlementaire. Toutefois, ces niches ont une durée limitée : une journée. Comment examiner un texte avec un tel enjeu dans un temps aussi court ? Une telle tentative s’était soldée par un échec en 2021 (cf. La PPL Falorni tombe en désuétude – le spectacle exagéré des promoteurs de l’euthanasie).
En outre, l’orientation gouvernementale semble exclure pour le moment la possibilité de transformer la proposition de loi en projet de loi, c’est-à-dire que le texte soit repris par le Gouvernement. En effet, Geneviève Darrieussecq, la nouvelle ministre de la Santé et de l’accès au soin (MoDem), avait adopté une attitude plutôt prudente lors des derniers débats, refusant par exemple que l’on qualifie l’« aide à mourir » de « soin ».
Il n’est pas exclu pour autant que le Premier ministre mette un point d’honneur à « avancer » sur ce sujet dans la ligne de ce qu’il a déclaré le 22 septembre au sujet de la PMA et de l’IVG. Les « grandes lois » de « progrès social ou sociétal » seront « intégralement préservées », a affirmé Michel Barnier. « Je serai un rempart pour qu’on préserve l’ensemble de ces droits acquis » en termes « de libertés, de progrès social », a-t-il assuré. « Il n’y a aucune ambiguïté. ». S’il n’a pas parlé explicitement de l’euthanasie et du suicide assisté, on peut se demander si le Premier ministre ne les intègrerait pas dans ce qu’il appelle « progrès social ». Le Gouvernement saura-t-il résister aux pressions, notamment celles de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) qui exige la reprise des débats sans délais ?
Certaines affirment que ce sera lors d’une « semaine de l’Assemblée nationale », début novembre, que les débats prendront place. L’incertitude demeure. Les soignants ont de leur côté d’autres priorités. Claire Fourcade, la Présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), l’a encore rappelé la semaine dernière (cf. « Soignants de soins palliatifs, nous demandons à nos représentants politiques d’en finir avec la séquence fin de vie. Notre travail n’est pas une séquence. »). « Nous ne soignons pas avec des mots ou avec des lois. Nous demandons que le service public de la santé tienne sa promesse de non-abandon auprès de tous les citoyens et que les soins palliatifs soient enfin accessibles partout et pour tous », a-t-elle interpellé. Les soignants seront-ils enfin écoutés ?
Complément du 24/09/2024 : Interrogée par l’AFP, Geneviève Darrieussecq a indiqué soutenir l’idée que les parlementaires « doivent terminer le travail ». Elle a précisé devoir « en parler avec le Premier ministre » dont elle n’a « pas la position ». Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale et co-signataire de la proposition de loi d’Olivier Falorni, a de son côté déclaré souhaiter que le texte sur la fin de vie soit « réexaminé avant la fin de l’année à l’Assemblée ». (Sources : AFP, 24/09/2024)
NDLR : L’article a été modifié le 25 septembre 2024 pour préciser les incohérences actuelles du texte et corriger le nombre des députés signataires.
[1] https://x.com/olivierfalorni/status/1814329405121970262
[2] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0204_proposition-loi