Fin de vie : Dissiper le brouillard qui entoure la sédation

Publié le 12 Oct, 2015

« Sédater, simplement endormir, simplement s’endormir, attendre tout simplement ». C’est par ces mots que le docteur Véronique Blanchet, spécialiste de la douleur[1], a évoqué le brouillard qui entoure la sédation. Elle intervenait dans le cadre d’une table ronde « Légi-gestion sur la fin de vie » organisée le 29 septembre dernier au Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil (CHIC).

 

Sédation ou euthanasie ?

 

Au cours de son intervention, Véronique Blanchet a particulièrement insisté sur la distinction qui existe entre sédation et euthanasie. Pour autant, la sédation revêt plusieurs réalités, techniques, et c’est là un des problèmes majeurs (Cf. Le coin des experts avec Béatrix Paillot, du 20 février 2015). En effet, si elle ne donne pas directement la mort, elle peut y conduire, notamment quand il s’agit d’une sédation terminale et que le patient en fin de vie est endormi pendant plusieurs jours à sa demande. Mais on peut aussi parler de sédation lorsqu’une personne, qui n’est pas du tout en fin de vie, est endormie pour quelques heures, toujours à sa demande, dans le seul but de soulager ses souffrances. Au-delà, on entend aussi parler de « sédation palliative, continue, profonde, d’accompagnement… » Tous ces termes contribuent à la confusion, et il est difficile de bien comprendre ce qu’ils recouvrent. Dans tous les cas, la sédation revient à calmer, à apaiser le patient à travers le sommeil.

 

La sédation pour réaliser le vœu d’une « mort idéale » ?

 

Aujourd’hui, la société demande à la médecine de répondre à tout, d’être puissante et de supprimer la douleur. La sédation, qui apparaît comme une réponse à cette demande, révèle surtout la peur de l’homme face à la souffrance, mais aussi, face à la mort ! Elle répond au désir profond qui anime la plupart des êtres humains, à savoir celui de pouvoir mourir dans son sommeil, sans s’en rendre compte. Dans l’inconscient collectif la sédation peut être une manière de réaliser le vœu de la « mort idéale » : être absent au moment de sa propre mort et mourir sans douleur.

 

La sédation pour répondre à quelle angoisse ?

 

Si la sédation est une réponse à la douleur extrême du patient, voire à l’angoisse de la mort, elle peut aussi être une réponse, viciée, à la douleur et à la peur des proches. Elle atténue la brutalité du choc de la mort. En faisant « partir » le malade lentement, elle aide ceux qui l’entourent, à s’habituer à l’idée même de sa mort prochaine. Mais dans ce cas là, qui traite-t-on vraiment ? Le patient qui a exprimé, s’il a pu, le souhait d’être placé sous sédation ou ses proches, qui ont peut-être parlé pour lui ? Car lorsque le patient dort, il n’est plus possible d’entrer en communication avec lui. Comment savoir, dans ces circonstances, quelle est sa volonté ? L’attente du réveil se transforme en attente de d’un endormissement final, attente de la mort.

 

Maîtriser sa mort 

 

Le développement de la sédation terminale reviendrait, selon le docteur Blanchet, à banaliser une pratique qui était jusqu’alors exceptionnelle, en promouvant une manière de mourir très maitrisée. Le risque de la déshumanisation des patients en fin de vie serait grand, ce qui implique une vraie réflexion : faire dormir pour maitriser la douleur, mais faire dormir jusqu’à quand ? Jusqu’à la mort ? La question reviendrait alors à savoir si la sédation est une manière de provoquer la mort à terme, naturellement, tout en épargnant au patient de ressentir toute douleur et de se voir mourir. La sempiternelle question autour de la sédation, celle du double effet, se pose alors de nouveau dans toute sa force : la sédation provoque-t-elle ou non intentionnellement la mort ?

 

Pour éviter le développement d’une sédation généralisée, la réponse se trouve, pour le docteur Blanchet, dans un meilleur développement des soins palliatifs.

 

[1] Au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur ainsi qu’à l’Equipe Mobile Douleur – Soins Palliatifs de l’hôpital Saint-Antoine à Paris

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