Alors qu’un texte relatif à la fin de vie doit revenir devant les députés le 27 janvier prochain, le Premier ministre, Michel Barnier a indiqué être « plutôt dans l’idée d’utiliser le travail qui a été fait », même si « certains amendements » lui paraissent « contestables » (cf. Fin de vie : « il serait inimaginable de reprendre un texte qui, sur bien des aspects, aurait été le plus laxiste au monde »). Il fait notamment référence à l’accès à l’euthanasie pour des patients souffrant de maladies chroniques (cf. La Commission spéciale adopte l’« aide à mourir », sans la conditionner à un pronostic vital engagé).
Des désaccords au sein de l’Exécutif
Considérant qu’un « équilibre » avait été trouvé par le précédent gouvernement (cf. Loi sur la fin de vie : « ce projet est profondément rétrograde »), Michel Barnier a également affirmé que « nous ne ferons pas une loi sur la fin de vie contre nos médecins et nos soignants mais avec eux » (cf. « Monsieur le Premier ministre, faisons du soin une priorité collective »).
De son côté, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a déclaré souhaiter que les travaux du Parlement reprennent à partir de la proposition de loi d’Olivier Falorni, dont elle est signataire (cf. Fin de vie : la proposition de loi d’Olivier Falorni enregistrée à l’Assemblée nationale). Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a quant à lui précisé ne pas être favorable à une reprise de l’examen du texte, « à titre personnel ».
« Je crains que ce ne soit pas un texte pour la fraternité », explique le ministre, partisan du développement des soins palliatifs.
« En fait de bénéfice, ce choix sera un préjudice »
Dans le contexte d’une prochaine reprise des débats sur le sujet, l’avocat et essayiste Erwan Le Morhedec, propose une réflexion sur la notion de « choix » dans l’hebdomadaire La Vie. « Ainsi s’achèveraient 40 ans de débat fondé notamment sur cet argument : le bénéfice de disposer d’un choix, quand bien même nous ne l’exercerions pas. » Pourtant cet argument « simple » et « populaire » est « faux », affirme le bénévole en soins palliatifs.
En effet, « en fait de bénéfice, ce choix sera un préjudice ». « Pour nous tous. Quand bien même nous ne l’exercerions pas », assure l’essayiste. « Disposer d’un choix n’est pas bénéfique par nature », argumente-t-il, citant l’exemple du « choix de travailler le dimanche, ou de nuit ».
Un donné qui deviendra décision, un choix, responsabilité
« Dès lors qu’une personne aura le choix de vivre ou de mourir, elle sera mécaniquement considérée comme l’agent de sa propre survie », prévient Erwan Le Morhedec. « Ce qui constituait pour elle un simple donné – vivre sa vie jusqu’à son terme naturel – devient sa décision, explique-t-il. Or si c’est sa décision, ou si les autres considèrent que tel est le cas, alors ils pourront l’en tenir pour responsable, et lui demander d’en justifier. »
Et « cette demande de justification » qu’elle soit tacite ou explicite « se logera même dans l’intime », alerte l’essayiste. « Si ce n’est pas la famille qui évoque les frais de la maison de retraite médicalisée, ou la société qui calcule les dépenses publiques engagées pour la garder en vie, c’est dans son for intérieur que la personne pourra s’interroger. » Or « la question du sens de sa vie et du poids imposé aux autres – aux enfants et même à la société – épargne peu de personnes en fin de vie ».
« Qui donc aura le plus fort à faire pour justifier sa décision de vivre, sinon les plus fragilisés, âgés, dépendants, pauvres ? », prévient l’avocat (cf. Pauvreté, obésité, deuil : des euthanasies « moralement éprouvantes » au Canada). « En fait de liberté, cette loi sera un poids », assure-t-il. « Adoptée pour le confort moral des bien-portants, qui y trouvent une échappatoire à leurs angoisses de mort et de souffrance, elle viendra peser sur les plus faibles. » Un « choix » synonyme de responsabilité. « C’est effrayant et c’est l’époque dans laquelle nous entrons. »
Complément du 19/11/2024 : L’Assemblée nationale a finalement acté lors de la conférence des présidents que le texte serait examiné les semaines des 3 et 10 février.
Sources : La Vie, Erwan Le Morhedec (14/11/2024) ; Ouest France, Cyril Petit, Yves-Marie Robin et Stéphane Vernay (14/11/2024) ; Ouest France, Céline Bardy et Yves-Marie Robin (16/11/2024) ; AFP (17/11/2024) ; AFP (19/11/2024)