Après l’audition du ministère de la Santé mercredi matin (cf. Fin de vie : Catherine Vautrin défend deux textes « équilibrés »), l’examen des deux propositions de loi relatives à la fin de vie a débuté en Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Au programme : 620 amendements à examiner sur le texte traitant des soins palliatifs, 1099 pour celui visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté.
Deux textes distincts, en théorie seulement ?
Les députés de la Commission entament leurs travaux par le texte relatif aux soins palliatifs, mais l’« aide à mourir » est aussi dans tous les esprits.
Christophe Bentz (Rassemblement National) défend un amendement (AS508) visant à exclure des soins palliatifs « toute administration d’une substance létale ». L’exposé sommaire de son amendement précise qu’il s’agit de « l’application du principe selon lequel “la main qui soigne ne peut être la main qui tue” ». La proposition suscite une vive – et longue – controverse.
Des députés s’indignent que l’amendement ait été considéré recevable et Annie Vidal (Ensemble pour la République), rapporteur de la proposition, plaide : « Il ne faut pas rendre confus ce que nous essayons de clarifier ». Un appel que relaiera à plusieurs reprises Philippe Vigier (Les Démocrates), affichant une préoccupation vis-à-vis de ce que penseront « ceux qui nous écoutent ».
Pour Agnès Firmin Le Bodo (Horizons & Indépendants), les deux textes sont « complémentaires ». « Cet amendement voudrait dire qu’on interdirait l’aide à mourir demandée par un patient. On ne peut pas l’exclure de facto à ce moment du débat », considère-t-elle. Christophe Bentz la remercie « pour cet aveu ». L’aveu qu’une substance létale pourrait donc être administrée dans des services de soins palliatifs, transformant « la main qui soigne » en « main qui tue ».
Plus tard Annie Vidal reconnaitra : « Il y aura des passerelles à concevoir entre les deux textes ». L’amendement (AS169) de Patrick Hetzel (Droite républicaine) demandant à insérer la phrase : « Il n’existe pas de continuum entre les soins palliatifs et le suicide assisté » sera d’ailleurs rejeté.
Les députés réclament des engagements
Des alliances inhabituelles se forment lors de la discussion des amendements. L’ambiance est légère, presque taquine. « Le sujet ne s’y prête pas pourtant », Annie Vidal semble regretter le ton des échanges.
Avec le soutien notamment de la France insoumise, l’amendement (AS224) de Justine Gruet (Droite républicaine) obtient que le rapport évaluant la mise en œuvre de la stratégie décennale des soins d’accompagnement ne soit pas remis « à mi-parcours » mais annuellement. Et ce rapport devra évaluer « les éventuels crédits supplémentaires à allouer » pour garantir la mise en œuvre de cette stratégie. Une précision obtenue par l’amendement (AS235) de Patrick Hetzel, toujours avec le soutien de la gauche.
Les députés conservent également le principe d’une loi de programmation pluriannuelle et refusent la suppression de l’article 7 qui détaille les montants prévus chaque année par la stratégie décennale. Annie Vidal voulait la suppression de cet article, inutile selon elle, qui reprend des montant erronés. Les élus refusent cette suppression, jugeant que cela enverrait un signal inquiétant. L’amendement de repli (AS579) de la rapportrice visant à corriger les montants est, lui, adopté. L’évolution de la mise en œuvre de la stratégie décennale des soins palliatifs et d’accompagnement pourra en outre faire l’objet d’un débat chaque année devant le Parlement avant l’examen du projet de loi de finances : c’est ce que prévoit l’amendement (AS463) d’Agnès Firmin Le Bodo, adopté lui aussi.
Les conditions d’un véritable droit
Les députés ayant conservé la notion de « droit opposable », ils ont également adopté des amendements permettant sa mise en œuvre. Un proche ou la personne de confiance pourra initier un recours en référé, devant une juridiction administrative ou judiciaire, afin d’obtenir des soins pour le patient.
Vers 23h30, alors que l’article 7 – sur 21 – vient d’être adopté et que l’amendement (AS447) d’Hadrien Clouet (La France insoumise – Nouveau Front Populaire) visant à supprimer la tarification à l’acte est rejeté, le président de la Commission, Frédéric Valletoux (Horizons & Indépendants), propose une suspension de séance pour permettre aux députés d’aller voter le texte relatif à la simplification de la vie économique débattu dans l’hémicycle. Vu l’heure tardive les députés ne reviendront pas en commission, les soins palliatifs attendront demain.