Si la question de la fin de vie est souvent associée aux personnes âgées, il importe de souligner qu’ elle concerne également les nouveau-nés. Plus précisément, c’est la question très “sensible” de l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation artificielle (AHA) qui se pose “quand tout a déjà été tenté en réanimation“. D’un point de vue législatif, la loi Leonetti de 2005 a posé un cadre dans l’accompagnement de la fin de vie des nouveau-nés, par l’AHA. Antérieurement “les chefs de service prenaient eux-mêmes la décision d’une euthanasie. Une pratique illégale mais tolérée“.
Mais la législation de 2005 a des limites qui ont été soulevées dans divers rapports, et médecins et familles s’interrogent sur plusieurs points. Ainsi le centre éthique clinique (CEC) de l’hôpital Cochin (Paris) a publié, ce 17 décembre, une étude sur l’AHA, dont le quotidien Le Monde se fait l’écho.
Première constatation: “60% des soignants ont un ‘bon ressenti’ ” des pratiques médicales “contre 40% du côté des parents“. Mais le CEC attire l’attention sur le risque de “symbole d’abandon parental – lié à l’idée de laisser l’enfant mourir de faim – que peut réprésenter la mesure pour les parents“.
Deuxième constatation: l’hôpital Cochin a distingué trois pratiques de mise en oeuvre de l’AHA après avoir consulté médecins, soignants et parents.
– modèle n°1: “le corps médical laisse la nature décider“. Selon la juriste Laurence Brunet, cela consiste à tout enlever “mais on propose un biberon à l’enfant avec insistance. S’il arrive à s’en saisir, il sera nourri et survivra“. Un modèle que les médecins nomment “projet de vie“.
– modèle n°3, à l’opposé du modèle n°1: “l’idée est d‘accompagner l’enfant vers la mort“. Comment? “L’AHA est associé à une sédation, pour que l’enfant ne soufffre pas. Il n’est plus vraiment conscient“. Pour L. Brunet “on n’est pas dans l’injection létale mais l’intention est assumée“.
– modèle n°2: un modèle situé entre les modèle 1 et 3, le plus répandu et à la suite duquel le nouveau-né vivrait en moyenne une semaine: “il n’y a pas d’aide active à la mort en plus de l’AHA, on va juste soulager la douleur de l’enfant“.
Le Monde (Paul Giudici) 18/12/2013