« Cette apparente avancée cache en réalité une rupture silencieuse mais majeure dans notre rapport à la vulnérabilité et à la dépendance, incarnée par certaines populations – personnes âgées, malades et/ou handicapées notamment – mais qui nous concerne toutes et tous » : dans une tribune pour le journal l’Humanité, le collectif Jusqu’au Bout Solidaires [1] dénonce la proposition de loi qui arrive dans l’hémicycle ce lundi (cf. La Commission adopte une proposition de loi « relative au droit à mourir » sans contrepoids réel). Il appelle « solennellement » les députés de gauche à rejeter ce texte.
« Etre de gauche, c’est regarder en face les conséquences sociales des lois »
En effet, la légalisation de l’« aide à mourir » « aura pour effet inévitable de mener à la mort des personnes qui auraient dû bénéficier de soins somatiques et psychiques, de moyens pour favoriser leur autonomie, de soutien et de solidarité », alertent les signataires de la tribune. « Voilà ce que nous montrent les contre-modèles belges, canadiens, hollandais. » (cf. Handicap, dépression, pauvreté : l’aide médicale à mourir se généralise au Canada)
« Nous en appelons spécifiquement aux députés de gauche, ne vous alignez pas sur des sondages flatteurs, et par ailleurs faussés mais sur des valeurs humanistes : R. Badinter n’aurait pas demandé l’abolition de la peine de mort s’il s’en était tenu aux sondages », interpelle le collectif. « Etre de gauche, c’est regarder en face les conséquences sociales des lois, et refuser qu’un droit à décider puis donner la mort vienne masquer un devoir collectif d’aider à vivre bien », plaide-t-il.
« Refuser cette loi, ce n’est pas refuser la compassion »
Les signataires poursuivent : « Refuser cette loi, ce n’est pas refuser la compassion. C’est l’accorder plus largement qu’à ceux qui demandent qu’on les tue : c’est l’accorder à toutes les personnes qui veulent vivre alors même que le discours médiatique mainstream établit à zéro la valeur de leur vie ». Car « la volonté de mourir ne tombe pas du ciel en un jour, ni ne surgit purement de l’individu : il s’agit d’un discours intériorisé, dans une société qui dévalorise certaines vies, qui “pèseraient” sur les autres car moins productives, moins “indépendantes” ».
« Nous voulons un modèle social qui permette la vie digne, enjoint le collectif Jusqu’au Bout Solidaires. Nous voulons plus de ressources pour soulager la douleur et la souffrance jusqu’au bout de la vie : l’accompagnement psychologique, la prise en charge de la douleur, plus globalement les soins palliatifs. » Alors que « l’accès égalitaire au soin est inscrit dans la loi », « dans la réalité, ce n’est toujours pas le cas, menant à des situations tragiques qui pourraient être évitées », dénoncent les signataires. « Nous voulons plus de moyens pour prévenir le suicide pour tous, pas en faire la promotion pour quelques-uns ! »
« Ne laissez pas la société s’accoutumer à l’idée que certains “vivent trop”, que d’autres “coûtent trop” »
« Députés de gauche, vous avez entre les mains plus qu’un vote : vous avez le pouvoir de faire en sorte que la France reste un modèle de solidarité », interpelle le collectif. « Ne laissez pas la société s’accoutumer à l’idée que certains “vivent trop”, que d’autres “coûtent trop”, que la mort puisse devenir un “soin”. Ne légiférez pas l’accès à la mort alors que l’accès aux soins n’est pas assuré ! », plaide-t-il.
« Députés de gauche, nous vous demandons de faire barrage à cette proposition de loi, par fidélité à ce que la gauche a de plus précieux : la défense indiscutable de la solidarité et de la dignité humaine », intercèdent ces citoyens et soignants. « Parce que la vie n’est vivable qu’à la seule condition d’être inconditionnellement soutenue par autrui, restons jusqu’au bout solidaires. »
[1] Le collectif Jusqu’au Bout Solidaires (JABS) rassemble des « citoyens et soignants de gauche contre l’euthanasie »
Source : L’Humanité, collectif Jusqu’au Bout Solidaires (JABS) (11/05/2025) – Photo : iStock