Fin de vie : Catherine Vautrin défend deux textes « équilibrés »

10 Avr, 2025

Mercredi 9 avril, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a tenu le matin une séance dense et contrastée, dont l’objet était l’audition de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, et de Yannick Neuder, ministre délégué chargé de la Santé, à propos des deux propositions de loi déposées respectivement sur les soins palliatifs (n°1102) et sur la fin de vie (n°1100). Une audition qui a mis en lumière des tensions éthiques et politiques profondes.

Une double promesse : soins palliatifs et « aide à mourir »

Catherine Vautrin a défendu des textes qu’elle considère comme « équilibrés », reposant sur deux piliers : l’accès effectif aux soins palliatifs pour tous et un cadre d’« exception pour des situations exceptionnelles » permettant une « aide à mourir » qui serait strictement encadrée. « Il ne s’agit de rien de moins que de vie et parfois de mort », a-t-elle rappelé. La ministre a tenu à distinguer ce dispositif d’un « modèle euthanasique », précisant que l’intervention d’un tiers ne serait envisagée que si le patient ne peut physiquement s’administrer la substance létale.

Pour Olivier Falorni (Les Démocrates), rapporteur général de la proposition n°1100, le texte constitue « une grande et belle loi de liberté, d’égalité et de fraternité », donnant aux malades « condamnés par la maladie mais qui ne veulent pas être condamnés à l’agonie » la possibilité d’un « ultime recours ». Une grandiloquence pour masquer qu’il s’agit en fait de créer un « droit à mourir » ? (cf. Une loi pour établir « un droit à une mort provoquée » au terme « d’une procédure anormalement expéditive » : le collectif Démocratie, Ethique et Solidarités publie son premier avis) Le député invoque en miroir « la liberté de disposer de son corps que nous avons sanctuarisée dans notre Constitution ». Il s’agirait désormais d’instaurer la liberté de « disposer de sa mort » (cf. « La fin de vie n’est pas avant tout un sujet de liberté individuelle mais de solidarité collective »).

Les soins palliatifs, un socle à renforcer d’urgence

Yannick Neuder a rappelé que seulement 50% des personnes nécessitant des soins palliatifs y ont effectivement accès. Il a appelé à agir rapidement, face à un vieillissement de la population qui augmentera le besoin de 15% d’ici 2034 : 440 000 personnes auront alors besoin de soins palliatifs.

La proposition n°1102 entend notamment structurer territorialement l’offre et créer des « maisons d’accompagnement et de soins palliatifs ». Une terminologie qui a suscité le débat. Catherine Vautrin a plaidé pour l’appellation « maisons de répit et de soins palliatifs », une formulation plus « consensuelle » considère-t-elle, tandis que Yannick Neuder s’est montré réservé, craignant une confusion avec les structures destinées aux aidants. Plusieurs députés partageaient cette réserve sur la terminologie.

Points de friction : discernement, clause de conscience, inclusion des mineurs

L’audition du ministère de la Santé a mis en lumière plusieurs points sensibles. Pour Catherine Vautrin, « la notion de discernement » constitue « l’une des clés » du texte. Elle a ainsi exclu explicitement les patients atteints de maladies neurodégénératives, « dès lors que le patient n’a plus sa conscience », puisqu’alors ils ne remplissent plus le critère de discernement.

Cette explication venait notamment en réponse à la députée Océane Godard (Socialistes et apparentés), qui a demandé si le texte pourrait être élargi à « personnes atteintes de maladies neurodégénératives dont la souffrance peut être prolongée sans fin », mais encore à « des personnes accidentées, en phase non terminale » ou à « des mineurs confrontés à des souffrances chroniques insupportables ». Face à l’encadrement prétendument strict (cf. Fin de vie : « il serait inimaginable de reprendre un texte qui, sur bien des aspects, aurait été le plus laxiste au monde »), certains ne cachent pas leur volonté déjà présente d’aller encore plus loin (cf. La légalisation de l’euthanasie « n’apaise pas la société » : « elle l’inquiète, la transforme, la fragilise »).

Autre point de débat : la clause de conscience des pharmaciens. La ministre a justifié le refus du gouvernement en arguant qu’« il n’y a pas de lien dans cette prestation entre le pharmacien et le patient », la substance létale étant remise au professionnel de santé et non au malade. Un argument pour le moins discutable : le patient pourrait-il être euthanasié sans substance létale ? (cf. Fin de vie : les pharmaciens réclament une clause de conscience).

Un débat démocratique contesté

Au cours du débat plusieurs élus, notamment du Rassemblement National, ont regretté que le gouvernement ait opté pour une proposition de loi, procédure parlementaire « classique », au lieu d’un projet de loi permettant un débat « plus structuré ».

Ils ont également plaidé en faveur d’un référendum, sans succès. Catherine Vautrin leur a répondu que « ce sujet, dit de société, ne peut être soumis à référendum sans révision de la Constitution ».

 

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