Il ne fait pas bon mourir à l’hôpital. Une enquête nationale sur cette question révèle les graves lacunes de la prise en charge des mourants. «Notre travail montre un défaut majeur d’accompagnement des patients mourants», s’exclame le docteur Édouard Ferrand, l’auteur principal du rapport. «Ceux-ci décèdent peu entourés à l’hôpital, alors que ces décès sont, en général, prévus.»
Le premier constat est l’importance de la solitude des personnes confrontées à la mort : «Dans seulement 24 % des cas, le patient est décédé accompagné de ses proches», explique-t-il. Et ce, malgré l’information donnée aux familles, et leur présence effective peu de temps auparavant : «55 % des proches étaient présents dans le service dans les heures précédant le décès et 80 % des proches avaient été informés de la fin de vie prévisible du patient dans les heures précédant le décès».
Le deuxième constat est l’absence de lieu réservé à l’accompagnement des mourants. «74 % des cas de décès décrits sont survenus dans des services ne disposant pas de procédure spécifique concernant les situations de fin de vie », poursuit le docteur Ferrand. Et de stigmatiser le manque de formation du personnel soignant à cette étape de la vie, et la surcharge de travail des infirmiers, incapables de disposer du temps nécessaire à l’accompagnement des personnes en fin de vie.
La troisième constatation est la souffrance des patients en fin de vie. En effet, ceux-ci ne sont, le plus souvent, pas soulagés de leur souffrance par un soutien médicamenteux : «plus de la moitié des patients ne bénéficie d’aucune sédation-analgésie lors du décès. Il y a, lors de ces moments, un défaut majeur de traitement de la douleur», déplore Édouard Ferrand.
Interrogées, les infirmières, elles-mêmes sont pessimistes sur la fin de vie : «35 % des infirmiers estiment que les conditions de décès du patient ont été acceptables pour leurs proches».
Régis Aubry, responsable du service de soins palliatifs du CHU de Besançon, préside le comité pour le développement des soins palliatifs et l’application de la loi Leonetti, relative aux droits des malades en fin de vie. Il se dit «absolument pas étonné». Et d’insister sur l’importance de l’application dans les faits de la loi Leonetti. «La loi prévoit que cette décision doit être prise de façon collégiale, avec la participation du malade s’il est en état. Cela doit devenir une réalité.»
Il pointe aussi du doigt l’insuffisance de la formation du personnel soignant dans ce domaine. «Les soignants se disent débordés, mais ce n’est pas qu’une question de temps. En fait, ils sont agressés par les fins de vie, mais c’est aussi parce qu’ils sont insuffisamment formés à cela. […] Il faut transformer le concept de soins : qu’il ne soit pas que du savoir-faire mais aussi du savoir être.»
«Je ne crois pas qu’il faut développer une spécialité, mais plutôt introduire la démarche de soins palliatifs dans tous les services.», affirme-t-il.
Libération (Eric Favereau, Sandrine Cabut) 23/09/05