Marie-Jo Thiel, directrice du CEERE[1] à l’Université de Strasbourg et membre de la Commission européenne de bioéthique (EGE), publie dans La Croix un commentaire du communiqué de presse du ministère des affaires sociales et de la santé à propos de la campagne sur la fin de vie (cf. Campagne fin de vie : “Et si on en parlait” ?). Elle s’interroge : « Bien mourir, est-ce une affaire de droits ? ». Car en quelque phrase, le communiqué répète quatre fois le mot « droit », alors que la loi Claeys Leonetti, dont il est question « ne parle pas explicitement de ‘droit’ à la sédation [profonde et continue jusqu’au décès] ». La loi dispose que « toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance » (art. L1110-5-3). Or « en parlant de « droit » et plus encore de « droit nouveau », la ministre Marisol Touraine – comme bien d’autres – fait dire à la loi plus qu’elle n’en dit et entraîne sur une pente glissante, et même vertigineuse dans le contexte actuel faisant d’une certaine interprétation de cette loi le chaînon qui doit conduire à la légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide médicalement assisté ».
Ce « droit à la sédation » proclamé haut et fort depuis le 2 février 2016 est à présent revendiqué par les patients arrivant dans des services de soins palliatifs, à tort et à travers (cf. Confusion, malentendus et méfiance : les conséquences de la loi Claeys-Leonetti). « Le traitement de la demande dépend alors du bon vouloir interprétatif des médecins. Ils pourront toujours arguer de souffrance morale ‘insupportable’, cet adjectif (unbearable) qui justifie toutes les euthanasies dans les pays du Benelux qui l’ont légalisée. Quid des personnels soignants exécutant la décision médicale et qui n’ont pas toujours la possibilité de résister, d’objecter ? ».
« Évidemment que bien mourir n’est pas une affaire de droits », répond Marie-Jo Thiel. Pour elle, « la loi Leonetti-Claeys ne contribue pas à une mort ‘accompagnée et apaisée’, mais elle a suscité un changement de paradigme dont les effets commencent seulement à apparaître. Elle donne à penser qu’une mort choisie de manière autonome est l’idéal ! ». Or de nombreux témoignages dans les pays ayant légalisé l’euthanasie prouvent le contraire.
Marie-Jo Thiel dénonce une campagne qui ne promeut pas officiellement l’euthanasie, ou le suicide, mais les met « doucement en place comme ‘droits avantageux’ ». A qui bénéficie l’avantage ? « Devoir choisir la mort dont on ne veut pas au nom du respect du « droit » à l’autonomie, est-ce le bien-mourir idéal ? »
[1] Centre Européen d’Enseignement et de Recherche en Ethique.
La Croix, Marie-Jo Thiel (6/03/2017)