Promu à grand renfort de médias, le film Réparer les vivants semble inévitable. L’histoire, une adaptation du roman multi récompensé de Maylis de Kerangal, a déjà fait l’objet d’une retranscription au théâtre.
Simon, 17 ans, arrive aux urgences après un accident de voiture. Son état se dégrade très vite et les médecins le déclarent en état de mort cérébrale. Confrontés à la mort brutale de leur fils, les parents sont sensibilisés au don d’organes : le foie, les reins, le cœur de Simon sont en parfait état, et ils peuvent être précieux pour des malades en attente de greffes.
En miroir, le film s’attache à Claire, la cinquantaine, dont le cœur est stimulé en permanence par un défibrillateur. Son médecin l’alerte : elle sait que sans un don de cœur, sa vie ne tient désormais plus qu’à un fil.
Comme dans une chronique, le film décrit les différentes étapes, du donneur au receveur d’organes, qui s’achèvent sur les yeux ouverts de Claire. Elle se réveille juste de l’opération qui lui a donné un cœur tout neuf. Alors que le film est hanté par le pathos : larmes des parents, larmes et inquiétudes des enfants de la future greffée, de sa compagne, car Claire est homosexuelle, un ajout par rapport au livre, les deux larmes finales de Claire sont celles de la joie d’être vivante.
Les questions éthiques sont les grandes absentes d’un récit rythmé qui se veut factuel et positif. Le médecin explique que Simon est en état de mort cérébrale, qu’il est maintenu en vie grâce « aux machines » : « si on arrête les machines, tout s’arrête ». Artificiellement maintenu en vie, Simon est-il mort ? Dans la dernière partie du film, les chirurgiens viennent prélever son cœur qui bat encore et que l’on voit s’arrêter quand les artères sont sectionnées. Celui-ci se remettra ensuite à battre, « raccommodé » dans la poitrine de Claire. Ce cœur n’est-il qu’un muscle ? C’est bien, à peine ébauchée, l’autre question, suggérée par Claire qui s’interroge sur l’identité du donneur, son sexe : « C’est un homme ou une femme ? ». Le don d’organes étant anonyme en France, le chirurgien sourit mais ne répond pas. Claire s’était déjà demandée ce que signifiait pour elle de « vivre avec le cœur de quelqu’un d’autre ». Une question qui est loin d’être anodine. La récente campagne de l’ABM sur le don d’organes soulevait qu’en la matière, les plus difficiles à convaincre sont… les receveurs. Quelle réponse peut-on apporter à cette question ?
Le don d’organes manifeste une merveilleuse opportunité de solidarité humaine, pour autant, même dans les conditions présentées, parfaites, transparentes, où médecins et personnels soignants sont remplis de compassion, où établir pour le donneur la frontière entre la mort et la vie (cf. De la mort au don d’organes) ? Dans le film, lisse, la routine est bien huilée et tout « se passe bien ». Malgré tous les efforts déployés, peut-on y voir le reflet d’une réalité complexe où la vie joue coude à coude avec la mort ? Faut-il enfin que certains hommes en « réparent » d’autres ? A quelles conditions ?