Euthanasie : tribunes

Publié le 25 Jan, 2011

Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Sud XI et président du Collectif Plus digne la vie, a publié dans La Croix  du 24 janvier 2010 une tribune contre la proposition de loi visant à légaliser l’euthanasie. "Je refuse aux propagandistes de la ‘mort dans la dignité’ de tenter de nous inféoder aux peurs et aux tourments dont ils nourrissent leur idéologie", a-t-il protesté avant de déclarer qu’une "exigence de pudeur devrait s’imposer aux côtés des personnes dont l’existence est en péril, en détresse, vulnérable face à notre insouciance, notre mépris et nos peurs".
    Selon lui, la dépénalisation de l’euthanasie ne serait pas l’expression moderne de la liberté, mais un prétexte pour s’exonérer d’assumer nos vraies responsabilités d’attention et de disposition auprès des personnes les plus vulnérables.
    "Justifier la transgression en rendant tolérable le meurtre par exception, le meurtre acceptable faute de vie digne d’être vécue ne satisfait que ceux qui considèrent que l’excès d’une souffrance humaine condamne, sans la moindre alternative, à la demande de mort la personne soucieuse de préserver sa dignité et d’éviter ainsi la déchéance", affirme-t-il.
    Il conclut enfin : "Il ne s’agit donc pas tant de mourir dans la dignité que de vivre dignement et respecté en dépit de l’imminence d’une échéance. Penser le terme de son existence avec et parmi d’autres, c’est avoir la conviction d’être reconnu, accueilli et accompagné sans la moindre contestation jusqu’à la mort. J’estime que le combat mérite d’être mené pour créer les conditions politiques favorables à une vie digne d’être vécue jusqu’à son terme. Il y va du fondement même de la démocratie".

De son côté, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, explique dans Le Figaro, de ce qu’"autoriser l’euthanasie instaurerait un régime de peur". "On essaie d’introduire une idée uniformisée de mort douce, alors que l’euthanasie est loin d’être douce".
    L’euthanasie risque en effet de détruire la confiance entre soignants et soignés : "La médecine est un lieu où il serait terrible d’attenter à l’amitié entre les hommes, celle où le faible se dit : ‘Celui-ci veut mon bien, même en me défendant contre ma crainte d’affronter la situation présente’. Si l’euthanasie est légalisée, le patient aura peur même des interventions thérapeutiques légitimes".
    Par ailleurs, légaliser l’euthanasie reviendrait à exclure les personnes les plus vulnérables et à négliger le développement des soins palliatifs au profit d’une pratique plus expéditive.
    Il réfute enfin l’argument selon lequel l’euthanasie serait une manière d’aider ceux qui prendraient la décision libre de se suicider. Robert Badinter disait lui-même craindre que l’euthanasie ne soit "une forme d’incitation, je n’ose pas dire de provocation au suicide. L’être humain est fragile. L’angoisse de mort est présente. Chez certains, face à une épreuve, il y a une tentation de mort inhérente à la condition humaine". Or, explique le Cardinal Barbarin, le suicide n’est pas un acte libérateur. Il cite Etty Hillesum, jeune juive déportée durant la seconde Guerre Mondiale : "Celui qui se tue est un meurtrier, non seulement de lui-même, mais aussi d’autrui. Une telle mort, j’en suis profondément convaincue, n’est pas une libération, comme peut l’être une mort naturelle et innocente. Toute violence commise en ce monde prolifère, comme chacun de nos actes. Nous sommes ici pour porter une partie de la souffrance du monde, en lui offrant notre coeur, non pour l’aggraver par un acte de violence".
    Il note enfin que dans les pays où elle a été légalisée, l’euthanasie a rapidement été étendue des personnes en fin de vie aux personnes dépressives.

Dans Le Figaro, Marie de Hennezel dénonce quant à elle, la manipulation de l’opinion publique par les sondages en matière d’euthanasie : "Ainsi, lorsqu’on demandait aux Français s’ils étaient ‘favorables à la possibilité pour les personnes atteintes de maladies incurables de demander l’euthanasie’, la question ne tenait pas compte du fait que le sondé confond souvent ‘euthanasie’ et ‘bonnes pratiques en fin de vie’".
   
En réalité, et comme le montre le sondage Opinion Way paru récemment, plus nuancé dans ses questions (cf. Synthèse de presse du 17/01/11), les français sont pour l’arrêt des souffrances et l’arrêt de l’acharnement thérapeutique, mais 68% d’entre eux ignorent que cela est déjà efficacement encadré par la loi Leonetti de 2005.
    Alors que le débat sur le financement bat son plein, elle appelle à la lucidité : "Ne soyons pas naïfs : ceux qui n’auront pas les moyens de financer leur dépendance ni de patrimoine à transmettre, et qui par là même représenteront une charge pour la société, on les poussera à demander la mort, dès lors que notre législation le permettra."
   
Selon elle, tant que les pouvoirs publics ne prendront pas leurs responsabilités et n’informeront pas efficacement les citoyens sur les droits des malades en fin de vie, les propositions de loi sur l’euthanasie continueront à "fleurir".

La Croix 24/01/11 – Le Figaro 25/01/11 – Le Figaro 24/01/11

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