Euthanasie: point de vue d’étudiants en médecine et sciences politiques

Publié le 17 Mar, 2013

 Dans une tribune publiée sur le site d’actualité Causeur.fr, deux étudiants en médecine et sciences politiques publient leur point de vue sur l’euthanasie, dont le débat en France aura lieu dans les prochains mois. Alors que le président de la République se voyait remettre le rapport sur la fin de vie par le professeur Didier Sicard (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 18 décembre 2012), il a annoncé une saisie du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour avis, et qu’un projet de loi serait présenté au Parlement en juin prochain. Pour les deux étudiants en médecine et sciences politiques, il existe en France en matière d’euthanasie, un “acharnement législatif “.

 

Pour ces derniers, “l’assistance médicalisée pour la fin de vie“, qui désigne en réalité “l’assistance médicalisée pour la mort […], marque une étape majeure dans la résurrection d’un Etat tout-puissant auquel incomberait le droit de dire qui peut ou ne peut pas mourir“. Or, “la politique a pour objet les conditions du vivre-ensemble, et non du mourir-assisté. Quant aux lois, elles demeurent l’expression générale d’une volonté portant sur des cas généraux“. 

 

Mentionnant qu’ “à juste titre, l’opinion publique s’est laissée fortement impressionner par des situations exceptionnelles ayant bénéficié d’un très large échos médiatique“, les deux étudiants en médecine et sciences politiques tiennent à rappeler cependant qu’ “au delà de la compassion, il entre un peu d’irresponsabilité dans l’idée qu’on puisse confier à d’autres, à la demande, la tâche d’abréger ses souffrances. On ne légifère ni avec des affects, ni avec des peurs“. 

Evoquant le récent avis du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 15 février 2013), les étudiants précisent qu’en premier, il a été fait référence à la loi Léonetti sur la fin de vie qui “répon[d] efficacement à la majorité des cas. En proscrivant l’acharnement thérapeutique, [précisent-ils], la loi Léonetti traduit la volonté du corps médical d’accompagner dignement les derniers jours d’un patient sans franchir le pas définitif – moralement fragile et socialement dangereux – de l’euthanasie“. Et d’ajouter: “le rapport Sicard aura beau bâtir des distinctions spécieuses entre mort et fin de vie, suicide et mort volontaire, accompagnement et complicité, il s’agit bel et bien de donner la mort“. Par conséquent, “l’Ordre des médecins réaffirme […] son attachement à la loi Léonetti et encourage sa promotion massive auprès des soignants et de l’opinion. Garde-fou aux dérives possibles de l’euthanasie, cette loi permet d’articuler deux phrases majeures du serment d’Hippocrate: ‘Je ne prolongerai pas abusivement les agonies’ et ‘je ne provoquerai jamais la mort délibérément’ “. 

Par ailleurs, le rapport Sicard mentionne que “la légalisation ferait l’objet d’une ‘revendication très largement majoritaire’ portée par plus de 80% de la population“. Mais les étudiants en médecine et sciences politiques expliquent que cette majorité est, en réalité,” un mouvement […] [d’]abandon de responsabilité au profit des pouvoirs publics” et “surtout, un changement radical dans la perception de la vie humaine et des rapports sociaux“. Le vrai problème serait, selon eux, un problème collectif: “la solitude profonde qui entoure les mourants“. Ainsi, “pour que ce terme d’agonie ne perde pas son sens originel – celui d’une lutte ultime et courageuse contre la mort -, il faut considérer qu’elle se vit à plusieurs, dans l’accompagnement familial et social, plutôt que dans l’isolement sordide de mouroirs institutionnalisés“. 
Aujourd’hui, “la place qu’occupe […] la question de l’euthanasie révèle surtout les vices d’une société où les malades éprouvent douloureusement le poids de leur présence. De leur sur-vie, pourrait-on dire. Ce n’est pas d’une aiguille qu’on besoin les mourants mais d’une main cramponnée à la leur. […] C’est uniquement dans le regard des autres que le patient s’éteindra avec dignité, pas sous les néons glauques d’une salle dédiée aux séances d’injection létale“. Car terminent-ils, “sommes-nous prêts à voir émerger dans les hôpitaux des lieux consacrés au suicide? Imagine-t-on de demander à d’autres le droit de mourir au risque de voir sa requête rejetée? A-t-on conscience des risques et des dérives encourus par des individus déjà fragilisés par les effets de la maladie? […] Ce n’est pas hypocrisie, mais bon sens que de reconnaître que le rôle de l’Etat a des bornes“. 

 Causeur (A. et J.F Roseau) 15/03/2013

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