Euthanasie légalisée aux Pays Bas

Publié le 13 Avr, 2001

Les sénateurs hollandais ont fait de leur pays le premier au monde à autoriser officiellement l’euthanasie. Le texte de loi prévoit un code de conduite selon lequel : le praticien doit être « convaincu que la demande du patient est volontaire et réfléchie ».

 

Sa maladie doit être « incurable et insupportable ». Le praticien doit avoir bien informé son malade et ils doivent être arrivés à la conclusion qu’ « il n’existe aucune autre solution acceptable ». Le praticien doit avoir consulté « au moins un confrère indépendant ». L’aide à la mort doit être mise en œuvre avec minutie. Les jeunes entre 12 et 16 ans peuvent obtenir l’euthanasie, mais avec l’accord des deux parents.

 

En outre, la loi accepte les « déclarations d’intention d’euthanasie » qui permettent d’y recourir en cas d’incapacité à s’exprimer. Cinq commissions régionales jugent, a posteriori, de la conformité de l’acte de ces critères. En cas de doute ou de réponse négative, le dossier est transmis à la justice. Les réactions opposées à ce vote sont nombreuses. Le ministre néerlandais de la justice, Benk Korthals s’en est étonné car pour lui « la nouvelle loi assure une plus grande sécurité légale pour le médecin et le patient ».

 

Les Pays Bas justifient cette démarche en disant qu’il vaut mieux encadrer par une loi un usage clandestin. Il reste que le choix de la mort n’est pas un acte anodin et ne peut se définir selon des critères arrêtés au terme d’un débat politique. Légaliser l’euthanasie n’apporte qu’une mauvaise solution à un véritable problème note les opposants à cette décision.

En effet, cautionner l’euthanasie banalise une décision qui devrait demeurer exceptionnelle et laisse entrevoir un grand vide éthique autour du respect de la vie.

 

 Pour l’éditorialiste du Figaro « la distance est courte entre l ‘« euthanasie de confort », destinée à abréger des maux, et « l’euthanasie économique », destinée à libérer des lits d’hôpitaux ». Henck Jochemsen, professeur d’éthique médicale à Amsterdam, explique que « la nouvelle loi ne fera qu’amplifier la permissivité et augmenter les cas d’euthanasie » dans un pays où déjà la pratique représente entre 3,4 % et 6% des décès, où la majorité des cas ne sont pas déclarés, où l’homicide intentionnel de nouveaux nés handicapés est désormais un fait accepté par les tribunaux, où l’euthanasie est parfois pratiquée comme un substitut de soins palliatifs.

 

Cette « terrifiante commodité », ce « choix du désespoir » indigne de nombreux médecins, hommes d’Eglise, politiques… pour qui la réponse à donner en tant qu’homme à ceux qui souffrent en fin de vie se trouvent dans les soins palliatifs et non dans un acte d’euthanasie. Axel Kahn, membre du conseil consultatif national d’éthique, fait remarquer « que la France est loin à cet égard, du niveau de solidarité qui devrait être normalement requis d’un pays riche et développé. C’est symptomatique d’une attitude générale face à toutes les formes de handicap ». Peter Van Zoist, porte-parole de l’épiscopat néerlandais, souligne que les églises protestantes et catholiques ainsi que les communautés juives et musulmanes de son pays vont « continuer à affirmer que la médecine peut offrir d’autres solutions ». Marie de Hennezel, l’une des pionnières des soins palliatifs, témoigne : « (…) l’euthanasie c’est la solution de facilité. Quant à parler de la dépendance et de la déchéance, c’est une préoccupation de gens bien portants.Les malades quand on sait les écouter, le plus souvent, veulent vivre ».

 

Mgr Pierre d’Ornelas, évêque auxiliaire de Paris et membre de la commission doctrinale de l’épiscopat français, souligne que « c’est l’art et le devoir du médecin, non seulement de tout faire pour guérir la maladie, mais aussi de considérer que la suppression de la souffrance fait partie du soin. Mais nul ne peut vouloir la mort de quelqu’un ».

 

Notons, par ailleurs, un début de revendication aux Pays Bas concernant l’euthanasie des malades mentaux. En effet, plusieurs affaires jugées en dernière instance ont ouvert la voie à l’euthanasie de patients atteints d’un mal psychique et non d’ordre physique. Ainsi, un psychiatre qui avait aidé une de ses patientes à en finir alors qu’elle était atteinte d’une grave dépression a été relaxé. Un praticien vient d’être acquitté pour avoir fait de même avec une personne de 86 ans qui se disait « fatiguée de sa vie de vieillard ». Les juges néerlandais semblent aller encore plus loin que les législateurs. Axel Kahn s’inquiète de ces premières dérives : « cela évoque le précédent très fâcheux de l’Allemagne nazie où une loi de 1941 a entraîné l’euthanasie de quelques 100 000 malades mentaux ».

 

Ce vote relance du même coup ce débat difficile à travers l’Europe. Pour la loi française, l’euthanasie est considérée comme un meurtre et est de ce fait illégale. Cependant le conseil consultatif national d’éthique a ouvert l’an dernier une brèche proposant « une sorte d’exception d’euthanasie prévue par la loi qui permettrait d’apprécier tant les circonstances exceptionnelles pouvant conduire à des arrêts de vie que les conditions de leur réalisation ».

Le Figaro 12/04/01 , Le Monde 12 et 13/04/01, Le Quotidien du Médecin 13/04/01, La Croix 12/04/01

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