Alors que le procès de Périgueux a relancé le débat sur l’euthanasie, le magazine Valeurs Actuelles revient sur une pétition contre la dépénalisation de l’euthanasie.
"Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément", tel est le serment d’Hippocrate que prononcent les jeunes médecins. Elisabeth Bourgois, infirmière et écrivain, a lancé une pétition contre la légalisation de l’euthanasie et a déjà recueilli près de 15 000 signatures, sur son site www.medecinedevie.com. Les signataires réclament que la loi Léonetti soit appliquée, que les soins palliatifs soient développés et que les soignants soient formés au traitement de la douleur. Elisabeth Bourgeois explique que lorsque la souffrance est traitée, rares sont les patients qui veulent en finir.
Valeurs Actuelles compare le lobby actuel en faveur d’une dépénalisation de l’euthanasie avec les événements qui ont abouti à la légalisation de l’avortement. Le Nouvel Observateur a publié il y a 10 jours le manifeste de plus de 2 000 médecins qui disent avoir commis des euthanasies et réclament sa dépénalisation. La semaine dernière se déroulait le procès de Chantal Chanel et Laurence Tramois qui comparaissaient pour euthanasie devant la Cour d’assises de Périgueux. Force est de constater que le débat sur l’avortement avait commencé dans les mêmes circonstances : Le Nouvel Observateur publiait, le 5 avril 1971, une pétition de 343 françaises qui disaient avoir avorté "dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité". La campagne s’était poursuivie par le procès de Bobigny où comparaissait pour avortement une jeune fille de 17 ans et sa mère. Gisèle Halimi, leur avocate, avait obtenu l’acquittement.
Notons que Chantal Chanel et Laurence Tramois bénéficiaient du soutien de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) qui milite activement pour la dépénalisation de l’euthanasie. Marie Humbert qui avait essayé de donner la mort à son fils en septembre 2003 avait également été soutenue par cette association. Depuis, Marie Humbert a pris ses distances avec l’ADMD qu’elle accuse de l’avoir "manipulée".
"Profitant de l’approche de la présidentielle, l’Association pour le droit à mourir dans la dignité accroit ses pressions en faveur de la légalisation de l’euthanasie", expliquait Le Parisien le 6 mars dernier dans un dossier baptisé "Comment le lobby de l’euthanasie fait campagne." Pour se défendre, l’association explique : "on accepte bien l’avortement, le suicide ou les guerres "justes". Je suis très surpris qu’on attache beaucoup plus d’importance à l’existence d’un vieillard qui demande à mourir qu’à celle d’un embryon qui ne peut pas s’exprimer. La liberté de choix est une valeur plus haute que la vie". Enfin, l’ADMD souligne le coût économique de l’acharnement thérapeutique.
Dans L’Humanité, Vincent Léna, président de "Faut qu’on s’active!" et Marie Humbert demandent que soit adoptée une loi Vincent Humbert autorisant l’euthanasie.
Marie de Hennezel, psychologue, a déploré les propos de Nicolas Sarkozy sur l’euthanasie. Elle demande que 2 mesures soient mises en œuvre : "rendre obligatoire la formation aux soins palliatifs" et "financer le congé d’accompagnement, de la loi du 9 juin 1999".
Selon la loi Léonetti du 22 avril 2005, "les actes de prévention, d’investigation ou de soin ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles et disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris". Lors du vote de cette loi, le gouvernement avait annoncé l’ouverture de 1990 lits supplémentaires de soins palliatifs et la création de 35 nouvelles unités mobiles en 2005. Ceci n’est toujours pas fait.
Godefroy Hirsch, membre du conseil d’administration de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) explique lui aussi qu’il faut "appliquer la loi et non la changer !". Il interroge : "doit-on considérer que les gens n’ont d’intérêt que tant qu’ils peuvent consommer et qu’ils devraient céder la place quand ils coûtent à la société ?".
Même discours de la part du Dr Bernard Devalois, responsable de l’unité des soins palliatifs du CH de Puteaux et président de la SFAP. Il dénonce dans le journal L’Humanité des "situations d’acharnement inadmissibles qui persistent". Il rappelle que la loi Léonetti établit clairement que c’est au malade de décider ce qui est ou non une obstination déraisonnable pour lui.
Valeurs Actuelles (Fabrice Madouas) 16/03/07 – L’Humanité 17/03/07