Danielle Moyse et Nicole Diederich ont mené une étude sur l’échographie prénatale après l’arrêt Perruche (1). Cette étude a été publiée en avril 2005.
L’arrêt Perruche
L’arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2000 affirmait la nécessité d’indemniser Nicolas Perruche, né handicapé du fait de la rubéole contractée par sa mère pendant sa grossesse et parce que faute de diagnostic, Madame Perruche “n’avait pu interrompre sa grossesse”.
Cette décision, ainsi que deux autres arrêts de la Cour de cassation des 13 juillet et 28 novembre 2001, semblait imputer au médecin et aux laboratoires en cause, la responsabilité du handicap de l’enfant et sa naissance. Cet arrêt de la Cour de cassation reconnaissait qu’il valait mieux ne pas venir au monde que naître handicapé. Le Parlement a mis un terme à cette jurisprudence Perruche par un article dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades : l’enfant ne peut se prévaloir d’un préjudice du fait de sa naissance et l’indemnisation des parents est limitée.
Vers un eugénisme de précaution ?
La fonction initiale du dépistage prénatal est de préparer l’accouchement en permettant, par exemple, d’opérer à la naissance en cas d’anomalie. L’arrêt Perruche risquait de conduire à un eugénisme de précaution, le diagnostic prénatal devenant l’instrument d’un droit supposé à l’enfant normal. A la suite de cette décision, les échographistes et gynécologues obstétriciens brandirent la menace de cesser leur activité ou d’appliquer un eugénisme de précaution, en demandant des interruptions médicales de grossesse au moindre doute sur l’état du foetus, afin d’éviter tout risque de procès ultérieur.
L’évolution de la pratique : enquête
D’après une enquête menée entre octobre 2002 et octobre 2004 auprès d’obstétriciens et d’échographistes, l’arrêt Perruche a entraîné une importante cessation d’activité, de l’ordre de 50 %. “Parmi les radiologues qui faisaient moins de 30% d’échographies obstétricales dans leur activité globale, il y a eu un taux d’arrêt de 50% », explique le président du Syndicat des échographistes. “On retrouve les mêmes chiffres chez les échographistes exclusifs”. Les médecins concernés expliquent cette désaffection aussi bien par la crainte des procès et l’augmentation des primes d’assurance, que par les questions éthiques. Le devoir d’information devient problématique et le devoir de ” tout dire” induit, d’après les praticiens, une angoisse susceptible de provoquer des demandes d’interruptions médicales de grossesse qui n’ont pas lieu d’être. Ce phénomène est renforcé par le déplacement de la date limite d’interruption volontaire de grossesse de 12 à 14 semaines depuis la loi du 4 juillet 2001.
En voie de disparition ?
Le Comité national technique de l’échographie de dépistage prénatal remettra prochainement au Ministre de la Santé un rapport sur l’échographie foetale. Ce rapport tire la sonnette d’alarme. L’arrêt Perruche a conduit bon nombre de médecins libéraux à abandonner l’échographie foetale et l’hôpital public n’est pas en mesure de compenser la diminution de l’offre échographique libérale… L’accès aux soins des moins favorisés est donc réduit, au mépris de l’objectif premier de l’échographie : diminuer la mortalité périnatale et maternelle et permettre de soigner dès la naissance.
1 – L’échographie prénatale après l’arrêt Perruche, Etudes, Danielle Moyse et Nicole Diederich, avril 2005.