Etre ou ne pas naître – Alexandre Varaut

Publié le 1 Mai, 2002

Etre ou ne pas naître – Alexandre Varaut
La Cour de cassation, la plus haute juridiction française, en affirmant à plusieurs reprises qu’un enfant pouvait être indemnisé du fait d’être né handicapé, n’en finit pas d’interroger les consciences, de soulever passions et polémiques. Vivre constitue-t-il un préjudice ? Y a-t-il des risques de dérives eugénistes ? Alexandre Varaut, député au parlement européen, membre du Collectif contre l’Handiphobie et père de François, enfant trisomique dénonce dans « Etre ou ne pas naître » la logique de ce qu’il appelle « un eugénisme à la française ». C’est le cri d’indignation d’un père touché en plein coeur : « le hasard vous porte parfois là où vous deviez aller. Mon fils François est né le 29 août 1998 ; il avait oublié de prévenir les multiples médecins qui s’étaient penchés sur sa vie in utero d’un petit détail : il est trisomique. »
« Ceux qui n’ont jamais vu la sage-femme qui vient de mettre au monde leur enfant leur demander au détour du couloir s’ils ont dans la valise préparée pour l’accouchement les résultats de l’amniocentèse du troisième mois ne savent pas ce que c’est de sauter dans le vide. » « Au cinquième jour d’incertitude, un pédiatre venu tout exprès du CHU le plus proche entre dans la chambre, scrute l’enfant, les mains derrière le dos. Sans adresser la parole à la mère de François, il déclare : « c’est un petit trisomique » et lâche immédiatement avec une délicatesse et un tact sans égal : « qu’est-ce que vous voulez en faire ? » En effet, il n’était pas trop tard pour le larguer. Après avoir échappé à la trouille, à l’IVG, à l’IMG, à l’accouchement sous « x », on nous servait la cinquième épreuve de rattrapage : l’abandon. C’est le pentathlon des enfants handicapés, handisport dès le début. »
Un eugénisme altruiste
« Quand votre confort et celui de vos proches deviennent l’alpha et l’omega de votre réflexion, le petit timonier d’une société atomisée, alors les déficients mentaux devenus « parasites familiaux » n’ont, eux non plus, aucune chance de survivre. » Ainsi voit-on naître implicitement un nouveau postulat : « le sacrifice de l’existence individuelle est parfois nécessaire à la préservation de sa tranquillité. » Cet eugénisme à la française s’exprime dans les chiffres. Un pays dans lequel 97% des cas de trisomie révélée mènent à une IMG ne respecte pas plus la liberté qu’un pays où un candidat est élu avec 97% des suffrages. La liberté apparente masque mal la pression sociale.
Ainsi le XXème siècle aura pour Alexandre Varaut connu deux manières de concevoir et d’organiser l’eugénisme : la première est la conséquence de la réduction de l’homme à un serviteur de la société (l’Allemagne nazie, la Russie soviétique) la seconde est la conséquence de la réduction de l’homme à un serviteur de lui-même.
Et l’auteur de dénoncer ces méthodes empreintes d’ « eugénisme altruiste et personnel ».
L’immonde meilleur des mondes
Pour Alexandre Varaut, la vie handicapée est une forme de la vie : l’aider relève du devoir, mais l’indemniser c’est l’insulter. La décision de la Cour de cassation rendant l’arrêt Perruche, risquait de favoriser l’ostracisme contre les plus faibles et le recours à l’avortement comme garantie contre la moindre imperfection. Elle a démoralisé aussi les parents déjà éprouvés par le handicap de leurs enfants. Il s’agit de la dignité des personnes handicapées. C’est à dire de la dignité de tous. Il refuse ce qu’il appelle « cet immonde meilleur des
mondes » qui conduit à l’arrêt Perruche. « Si vous ne croyez ni à Dieu ni à diable, ni à l’humanité, si vous n’aspirez qu’au repos et à la satisfaction immédiate, alors vous êtes mûr pour la civilisation Perruche et pour poursuivre la traque des handicapés. Mais si vous avez un peu l’esprit de résistance, si vous croyez que la dignité de l’homme ne dépend pas de l’excellence de sa vie physique, alors vous êtes prêt pour bousculer les trouillards, les flemmards, les idéologues de tout poil qui soutiennent l’eugénisme à la française, et pour donner à mon François et à tous les autres la liberté de naître et de vivre avec le fardeau de leur génome et la légèreté de l’espérance. »
« Cette affaire Perruche, c’est un cloche-pied métaphysique fait à François au moment où l’on s’achète une bonne conscience aux frais des assureurs. »
Une société totalitaire
L’auteur élargit ensuite son propos à la question de l’euthanasie et à celle de la chirurgie esthétique, dans un monde hédoniste, qui se veut parfait, hors du temps et oublieux de la mort. On peut s’étonner de voir ainsi en même temps renvoyés dos à dos ces réalités. Mais l’auteur veut montrer que dans ces trois cas on prétend défendre les intérêts de la personne alors qu’on en fait l’esclave d’une société totalitaire qui ne supporte ni la souffrance, ni la laideur, ni la faiblesse et qui préfère l’élimination à la recherche d’une guérison. « Je fais le constat d’une société qui se caractérise par la peur de la réalité et l’alignement moutonnier sur une réalité fantasmée. »
Sur un débat d’éthique brûlant, « Être ou ne pas naître » est un livre écrit sur un mode très personnel, émouvant, convaincu et drôlement vital.
Alexandre Varaut, Être ou ne pa

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