Essure : un rapport alarmant enterré par l’ANSM ?

Publié le 20 Oct, 2022

Hier le collectif de journalistes Splann ! a mis à jour une « expertise alarmante » sur le risque de corrosion des implants Essure [1] et leurs conséquences possibles sur la santé des femmes. Un rapport que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait reçu en avril 2017 sans le publier. L’ANSM n’explique pas cette omission, mais nie « toute volonté d’occulter ce travail ».

Suite aux signalements d’effets indésirables, l’ANSM avait commandé à un « expert externe » une analyse de la stabilité des matériaux dont sont faits ces dispositifs médicaux. Sa conclusion : « la composition des soudures, la géométrie de l’implant et son environnement dans l’organisme créaient toutes les conditions pour qu’une “corrosion galvanique” se produise, induisant un risque sanitaire pour les patientes ». Déjà en 2004, des tests menés par la société Conceptus, qui a conçu et commercialisé les implants avant d’être rachetée par Bayer en 2013, avaient déjà identifié le problème. Des informations transmises alors aux « autorités réglementaires ».

Un comité négligent ?

L’ANSM a mis en place un comité en charge de se prononcer sur le dispositif Essure [2] : le « comité scientifique spécialisé temporaire » (CSST). En 2017, son avis ne mentionnait pas les risques liés à la corrosion, jugeant la balance bénéfices-risques « favorable ». Selon le CSST, « de nouvelles conditions en termes de réglementation [n’étaient] pas nécessaires » (cf. Essure : « modifier la règlementation n’est pas nécessaire » estiment les experts).

Parmi les « failles des mécanismes d’homologation et d’évaluation » des implants Essure, les journalistes ont identifié un « système d’homologation européen entaché de conflits d’intérêts structurels », une « promotion abusive grâce à des leaders d’opinion rémunérés comme consultants », ou encore une « surveillance lacunaire des effets indésirables ». Et plusieurs médecins membres du « comité Essure » instauré par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), étaient rémunérés par Bayer.

Des victimes par milliers

En France, plus de 200 000 femmes ont été implantées avec le dispositif Essure. Dans le monde elles sont un million. 30 000 Françaises ont demandé à ce qu’on leur retire l’implant. Mais « aucune procédure d’explantation n’ayant été prévue lors de la mise sur le marché, elles ont dû subir une ablation de l’utérus et/ou des trompes de Fallope » (cf. Essure : des avancées sur le suivi des femmes ?).

Face aux plaintes de 39.000 Américaines, l’entreprise Bayer a choisi de payer. Elle a dépensé 1,6 milliards de dollars pour clore les plaintes. Et « dans son rapport d’activités de 2018, l’implant figure parmi les plus grosses dépenses du budget consacré par la firme pharmaceutique et agrochimique allemande à la justice (qui a plus que doublé entre 2017 et 2018) aux côtés d’autres dispositifs médicaux, médicaments… et du Roundup, herbicide populaire à base de glyphosate. » (cf. Essure® : la santé des femmes face à l’industrie pharmaceutique)

 

[1] La méthode consiste à insérer un petit ressort métallique dans les trompes de Fallope, où il provoque une cicatrisation (fibrose) qui les obstrue. Les implants ont été commercialisés en France entre 2003 et 2017.

[2] Les chercheurs devaient comparer l’implant Essure à la ligature des trompes.

Sources : Le Monde, Stéphane Foucart (19/10/2022) ; France Info, Juliette Cabaço Roger et Faustine Sternberg (20/10/2022)

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