Essai clinique avec des cellules iPS : la nouvelle ère de la médecine personnalisée

Publié le 15 Sep, 2014

Le 10 septembre dernier, la revue scientifique Nature révélait qu’une équipe de chercheurs japonais devait très prochainement tenter de traiter un patient atteint de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), au moyen de cellules iPS (Cf. Synthèse de presse du 12 septembre 2014). L’implantation a eu lieu vendredi dernier. Le Professeur Alain Privat, expert Gènéthique ne cache pas son enthousiasme. 

 

Gènéthique : Pouvez-vous nous expliquer ce que signifie le démarrage de l’essai clinique DMLA via des iPS sur un patient humain ?

 

Professeur Alain Privat : L’injection de cellules souches reprogrammés (iPS) sur une patiente japonaise atteinte de DMLA constitue une étape importante en médecine régénérative. Cet essai permettra de tester en grandeur réelle le potentiel des cellules iPS pour suppléer à la dégénérescence de cellules nerveuses, en l’occurrence celles de la rétine. Sans présager du résultat de cet essai, ce qui est formidable c’est la rapidité avec laquelle les chercheurs sont parvenus au stade d’essai clinique alors que les iPS ont été découvertes par le Pr Yamanaka il y a une dizaine d’années. 

 

G. Vous ne cachez pas votre enthousiasme : pourquoi ?

 

Pr A.P. Cet essai, s’il est couronné de succès, ouvre la porte à une nouvelle ère de la médecine régénérative, car cette technique utilise les cellules du patient lui-même, et permet donc potentiellement une médecine personnalisée. Or ce paramètre peut être déterminant dans le traitement de certaines maladies génétiques.

 

G. Vous vous êtes opposé à la libéralisation de la recherche sur l’embryon humain en France. Est-ce que cette nouvelle assoie la suprématie des cellules iPS sur les CSEh ou est-ce que la concurrence est toujours de mise ?

 

Pr A.P. Là encore, si cet essai était couronné de succès, il éliminerait définitivement les cellules souches embryonnaires dans le domaine de la médecine régénérative. Et donc la destruction d’embryons humains à ce titre. Un essai était certes planifié en France, mais il n’y a pas d’élément nouveau depuis de nombreux mois sur ce projet.

 

G. Où en est la France en la matière ?

 

Pr A.P. La France a pris un retard assez considérable dans cette recherche sur les cellules souches reprogrammés (iPS), par rapport au Japon, aux Etats-Unis et aussi au Royaume-Uni. Certes, ces pays ont souvent financé des recherches sur les cellules souches embryonnaires, mais ils ont su attraper au vol l’extraordinaire opportunité que représentent les cellules iPS. En France, les lobbys pro- recherche sur l’embryon humain, au premier rang desquels il faut citer l’AFM et son laboratoire ISTEM (Dr Peschanski), ont fait de sa libéralisation un cheval de bataille idéologique alors que cela faisait déjà des années qu’il fallait changer de braquet. La recherche sur les iPS n’est pas inexistante en France, le Dr Peschanski lui-même est impliqué, mais faute d’en faire la priorité, elle n’a pas pu bénéficier des efforts humain et financier suffisant.

Alain Privat

Alain Privat

Expert

Alain Privat est docteur en médecine et docteur en biologie humaine de l’Université de Paris. Il a fait l’essentiel de sa carrière à l’Inserm, ou il a dirigé pendant près de 20 ans une unité de recherche à Montpellier, et parallèlement à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes ou il a occupé la chaire de neurobiologie du développement. Il est membre de nombreuses sociétés scientifiques françaises et étrangères, et membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine, secrétaire de la commission de bioéthique. Ses travaux portent sur la plasticité du système nerveux central, au cours du développement et chez l’adulte. Il a pour la première fois rétabli une locomotion chez un rat paraplégique, et montré la présence de cellules souches neurales chez l’adulte, où elles jouent un rôle essentiel dans cette plasticité.

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