Le ministère de la Justice espagnol envisage de rédiger une nouvelle instruction relative à la gestation par autrui (GPA) suivant la ligne de la Cour suprême qui critique cette pratique « contraire à l’ordre public » (cf. GPA : la Cour suprême espagnole refuse de reconnaître un jugement étranger).
La maternité de substitution est illégale en Espagne, mais les enfants nés d’une GPA à l’étranger peuvent être enregistrés s’il existe une décision de justice dans le pays d’origine qui valide le contrat (cf. GPA : des contrats au-dessus des lois ?). En l’absence d’exequatur [1], l’homme ayant fourni ses gamètes doit, une fois de retour en Espagne, déposer une demande de filiation. Sa femme peut ensuite entamer un processus d’adoption après avoir en outre obtenu la renonciation à la filiation de la mère porteuse.
Des agences qui opèrent malgré l’interdiction légale
Bien que la gestation par autrui soit illégale en Espagne, selon les données du ministère des Affaires étrangères, 3 112 enfants nés après une GPA ont été enregistrés entre 2010 et mi-2023 par les consulats espagnols à travers le monde. Des naissances obtenues par l’entremise d’agences exerçant dans la péninsule ibérique. « Au moins » 13 agences peuvent être contactées. Trois d’entre elles sont espagnoles. Selon les experts juridiques, « elles ne devraient pas exister ».
En se faisant passer pour un client potentiel, un journaliste a pu accéder aux conditions contractuelles. L’agence lui a envoyé le « profil » d’une mère porteuse. Et pour la donneuse d’ovocytes il a obtenu l’accès à un « catalogue de femmes ».
Un bébé remplacé en cas de décès
Parmi les clauses du contrat : un supplément de 3 000 à 4 000 dollars en cas de césarienne, une indemnité de 2 000 dollars si des complications de la grossesse conduisaient à l’ablation d’un ovaire de la mère porteuse, de 5 000 dollars pour un hystérectomie. Une agence évoque un montant de 20 000 dollars à verser à la famille en cas de décès de la mère porteuse.
Une agence se vante même de « garantir un redémarrage du programme » « sans frais » en cas de décès du bébé, jusqu’à ses deux ans. Et ce quelle que soit la cause du décès, « y compris pour les accidents domestiques ou de la circulation ». « Nous voulons que vous ayez la certitude que vous aurez l’enfant quoi qu’il arrive », argumente l’agence.
« Un trafic d’enfants, de nouveau-nés, d’organes et de femmes »
« Les féministes condamnent totalement la maternité de substitution, affirme Rosa Sansegundo, professeur d’études de genre à l’université Carlos III de Madrid, car elles considèrent qu’il s’agit d’un trafic d’enfants, de nouveau-nés, d’organes et de femmes. Et le crime organisé est derrière tout cela. »
Le professeur pointe également que les commanditaires peuvent refuser un bébé si, à la naissance, il est atteint d’un quelconque handicap moteur ou mental. Parmi les 100 000 enfants vivant dans des orphelinats en Ukraine, on compterait « des milliers d’enfants handicapés » (cf. Ukraine : sous les bombes, le scandale de la GPA).
Face à cette situation, le ministère de l’Egalité espagnol a commandé un rapport « sur les éventuelles poursuites judiciaires à engager contre les agences et les cabinets d’avocats opérant en Espagne qui pratiquent la gestation pour autrui à l’étranger ». Il serait sur le point d’être terminé.
[1] décision judiciaire autorisant l’exécution d’une décision rendue par une juridiction étrangère
Sources : Cadena Ser, Pilar Díaz de Aguilar (18/01/2025) ; Cadena Ser, Adrián del Pozo (18/01/2025) ; El Comun, Berta O. García (23/01/2025)