Devin, 12 ans, vit dans l’Etat de Victoria en Australie. Ses parents sont divorcés. Le petit garçon est persuadé d’être une fille. La mère de Devin emmène régulièrement son fils dans un service hospitalier d’« affirmation de genre » afin qu’il entame un « traitement » hormonal bloqueur de puberté. Le père du garçon, au contraire, s’y oppose fermement [1].
Le juge des enfants Andrew Strum a statué : à seulement 12 ans, l’enfant est trop jeune pour donner un consentement libre et éclairé, il n’est pas en mesure d’appréhender les conséquences de la prise de bloqueurs de puberté dans sa future vie d’adulte (cf. « Transition de genre » : le mineur apte à consentir ?).
Un diagnostic de dysphorie de genre rejeté par le juge aux affaires familiales
Le juge Strum a refusé de prendre en compte le diagnostic de dysphorie de genre émis par le service. L’enfant y était suivi depuis ses 6 ans, et le diagnostic n’a été posé qu’à l’approche du début de la procédure judiciaire. De plus, avant cette date, le service hospitalier n’a fait passer aucun test clinique à l’enfant qui aurait pu révéler un trouble du spectre autistique ou un stress post-traumatique (cf. Autisme et genre : associations et praticiens alertent). Le juge déplore une approche du sentiment de dysphorie qui se limite à une seule réponse possible, la prescription d’hormones dès qu’un enfant exprime des doutes concernant son « identité de genre ». Selon lui, « à ce stade du développement de l’enfant, le champ des possibles doit rester ouvert, sans toutefois faire courir un risque à l’enfant quant à sa santé et son intégrité » (cf. « Transitions de genre chez les mineurs : le Queensland choisit la prudence »).
Un rappel de l’inefficacité et la dangerosité des bloqueurs de puberté
Des experts scientifiques ont rappelé au cours du procès que les bloqueurs ne sont pas un simple « bouton pause » qui laisserait à l’enfant du temps pour décider s’il préfère traverser une puberté masculine ou féminine. Le processus naturel de la puberté ne peut pas être interrompu sans qu’il y ait des conséquences négatives sur la santé physique et psychique de l’enfant – et l’on ne s’attelle toujours pas aux causes de son mal-être. Avec ce protocole qui l’empêche de voir son corps et son psychisme de se développer normalement, l’enfant est maintenu dans un sentiment d’inadéquation vis-à-vis de son sexe. Dans la vaste majorité des cas, le jeune patient reste convaincu d’être « transgenre » et entame par la suite un traitement à base d’hormones sexuelles inversées aux effets délétères et irréversibles (cf. Transition de genre chez les mineurs : un rapport appelle à la prudence).
Dans le camp adverse, la Dr Michelle Telfer, qui soutenait la démarche de la mère de Devin, a essayé de convaincre le juge de l’existence d’une « identité de genre intrinsèque » et « indépendante de toute influence extérieure ». Sans succès : « les experts appelés à témoigner ont été incapables de nourrir leur propos avec des éléments factuels. Ils se sont contentés de citer des témoignages anecdotiques d’adultes transidentifiés à propos de propre conception de leur identité de genre », en a conclu Andrew Strum.
Le père de Devin a obtenu la garde de l’enfant avec une interdiction de lui faire subir une transition hormonale ou de modifier son état civil.
Cette décision de Justice semble être en contradiction avec la loi contre les « thérapies de conversion », et pourtant…
Comme la France, l’Australie a voté en 2021 une loi contre une prétendue « thérapie de conversion » qui viserait à contrarier l’« identité de genre » des enfants (cf. Loi sur les « thérapies de conversion » : les parents et professionnels de santé mis à l’écart). D’après cette logique, la seule réponse adéquate face à une demande de transition serait de considérer l’enfant comme « transgenre » sans se poser la moindre question et de l’accompagner sans délai dans une démarche d’« affirmation de genre » sociale et médicale. Le jugement rendu par le juge Andrew Strum semble aller à l’encontre de cette loi [2].
Celle-ci statue que si des professionnels éducatifs, de santé, ou même des parents d’un enfant « qui ne conforme pas à son genre » ne l’orientent pas immédiatement vers une « transition de genre », cela signifie qu’ils contraignent cet enfant à une « identification au sexe de naissance ». Ils encourent alors une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison et l’équivalent de 131.000 euros.
Cette législation est valable dans l’Etat de Victoria mais aussi en Nouvelle-Galles du sud, à Canberra et dans le Queensland. Si un parent décide d’emmener son enfant dans un autre Etat pour lui offrir la possibilité d’une thérapie exploratoire afin d’identifier quel trouble pourrait expliquer son sentiment d’inadéquation avec son « genre »… il sera également passible d’une peine de 10 ans de prison.
Or le juge a pu avancer qu’on ne pouvait considérer comme une « conversion » la prescription d’une thérapie autre que l’administration de bloqueurs de puberté [3]. Cette idée a été émise par le Pr Patrick Parkinson. Professeur émérite de droit de la famille à l’Université du Queensland, il est l’un des chefs de file du retour à la prudence semblable à celui qui a mené à la fermeture de la clinique Tavistock au Royaume-Uni (cf. Royaume-Uni : fermeture du service d’identité de genre du Tavistock).
Pour invalider l’obligation de la transition hormonale pour les mineurs qui se déclarent transgenres, il reprend la définition de l’« identité de genre » à son avantage. Si le genre est une essence immuable, alors un enfant qui se déclare transgenre ne peut que le rester. D’après la logique « trans-affirmative », son identité ne peut que perdurer… même sans être confortée de l’extérieur. L’« affirmation de genre » n’est donc pas nécessaire, et son refus ne saurait représenter de « conversion » en aucune manière. « Le simple refus d’une intervention médicale ne saurait modifier l’identité de genre interne d’un enfant », résume-t-il [4].
Un consensus autour du « genre » de plus en plus fragile
L’Australie, à l’instar d’autres pays comme le Royaume-Uni, le Chili ou le Brésil, commence à remettre en question sa législation sur l’« identité de genre » et le bien-fondé des transitions des mineurs (cf. « Royaume-Uni : l’interdiction des bloqueurs de puberté pour les mineurs devient permanente » ; « Chili : le Congrès demande la « suspension immédiate » des programmes de « transition de genre » pour les mineurs » ; « Brésil : les traitements de « transition de genre » désormais interdits aux mineurs »).
En septembre 2019 déjà, le Pr Parkinson expliquait que « les idées défendues avec véhémence par les défenseurs des droits des personnes transgenres reposent sur des croyances que la science ne peut ni valider ni invalider ». Il rappelle que tout au long de son parcours de juriste de la famille, sa préoccupation a toujours été en priorité la protection de l’enfance, et « il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant de le maintenir dans une identification transgenre, de la même façon qu’il ne serait pas dans l’intérêt d’une jeune fille atteinte d’anorexie de lui dire qu’elle est en effet en surpoids »[5] (cf. « La prise d’hormones croisées diminue-t-elle le risque de dépression chez les adultes transgenres ? Décryptage »).
Il s’adresse aux parents et thérapeutes qui sont pétrifiés par la peur d’une condamnation voire d’un retrait de l’enfant. Une mère de famille a ainsi témoigné : « J’ai peur que si nous disions un mot de travers, quelqu’un appelle les services de protection de l’enfance pour nous accuser de mauvais traitements et nous en retirer la garde ». Une autre déplore le fait de ne pas trouver de thérapeute qui sache faire face aux psychopathologies et troubles du spectre autistique de sa fille, au lieu de simplement la conforter dans son sentiment de dysphorie de genre[6].
Dans l’Etat de Victoria, des psychologues et psychiatres alertent l’opinion, comme la Pr Dianna Kenny qui témoigne du fait qu’un flot ininterrompu de parents désemparés s’adressent à elle depuis la promulgation de la loi [7], ou le professeur en psychiatrie Pr Andrew Amos, selon lequel « les thérapeutes sont terrifiés à l’idée d’avoir un échange honnête avec leurs jeunes patients car ils redoutent d’être traînés en justice »[8].
Lorsqu’en 2019 le Pr Parkinson a rappelé que le bien-fondé de la « transition de genre » n’avait aucune validité scientifique, l’Université du Queensland avait réagi en publiant un communiqué : « Nous prenons en considération les inquiétudes formulées par les étudiants et le personnel au regard de ces déclarations. (…) Le département de droit se désolidarise de l’opinion qui a été exprimée et réaffirme le fait que ces déclarations ne reflètent pas l’expérience vécue des personnes transgenres ou qui s’identifient comme “gender fluid” ou non-binaires ».
A présent, il semble que la rationalité scientifique reprenne peu à peu le dessus sur ces considérations absconses et que, comme d’autres pays avant elle, l’Australie retrouve la voie de la protection de l’enfance.
[1] News Weekly, Patrick J. Byrne, Family Court Ruling Ruptures Gender Ideology, Questions Anti-conversion Therapy Laws (23/04/2025)
[2] https://www.legislation.vic.gov.au/as-made/acts/change-or-suppression-conversion-practices-prohibition-act-2021
[3] Victoria’s Equal Opportunity and Human Rights Commission
[4] Gender Clinic News, Bernard Lame, ‘Overreach’ by conversion therapy watchdog (01/06/2022)
[5] The Guardian, Ben Smee, University of Queensland academics sign open letter after law dean’s trans comments (18/09/2019)
[6] Citées sur le site The Christian Institute, Aus parents battle to protect kids from trans ideology in face of prosecution threats (18/08/2022)
[7] Ibid.
[8] Sur la chaîne youtube Sky News Australia, Psychiatrist calls on the repeal of conversion therapy laws in Victoria, mis en ligne le 26/05/2025