Des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences de Pékin sont parvenus à concevoir des souris ayant « deux pères » qui ont survécu jusqu’à l’âge adulte. Ils prévoient désormais d’utiliser leur approche pour créer des primates avec une double lignée paternelle. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Cell Stem Cell [1].
L’« empreinte génomique »
Pour parvenir à ce résultat, les scientifiques ont ciblé des gènes « qui doivent normalement être hérités à la fois des parents mâles et femelles », les « gènes d’empreinte ».
En effet, l’empreinte fait que certains gènes s’expriment différemment selon le parent dont ils proviennent. Pour ces gènes, les animaux héritent d’une « dose » de chaque parent, et les deux doivent fonctionner « en harmonie » pour donner un embryon sain. Sans les deux doses, l’expression des gènes peut se dérégler et les embryons qui en résultent présenter des « anomalies » (cf. L’empreinte génomique parentale et la « symphonie de la vie »).
Des manipulations complexes
Les chercheurs se sont focalisés sur 20 des 200 gènes d’empreinte de la souris. Vingt gènes connus pour leur importance dans le développement de l’embryon. En mettant en œuvre l’outil d’édition génétique CRISPR, ils ont pu « contourner l’incompatibilité biologique d’une reproduction entre deux mâles ».
Après avoir fécondé un ovule immature – « préalablement énucléé, c’est-à-dire vidé de son ADN » – avec les gamètes d’un premier mâle, ils ont cultivé les cellules embryonnaires ainsi obtenues. Ces cellules ont été éditées génétiquement pour « désactiver » ou « altérer » les 20 gènes d’empreinte ciblés.
Par la suite, les cellules modifiées ont été « fusionnées avec le sperme d’un second mâle » au sein d’un nouvel ovule, lui aussi énucléé. Un procédé qui a conduit à la formation d’embryons contenant l’ADN de deux souris mâles.
De précédentes expériences
Au total 164 embryons ont été implantés dans des femelles. Les sept souriceaux qui sont nés ont atteint l’âge adulte en dépit de diverses malformations : les animaux étaient plus gros que les souris non traitées et leurs organes semblaient hypertrophiés. Ces souris stériles n’ont en outre pas vécu aussi longtemps que des souris « normales ».
En 2023, des chercheurs japonais étaient déjà parvenus à donner naissance à des souriceaux issus de « deux pères » (cf. Des souriceaux nés de deux « pères »). Ils avaient aussi atteint l’âge adulte et étaient, eux, fertiles.
Vers une application chez l’homme ?
Les êtres humains ne sont pas concernés « pour l’instant ». « Modifier 20 gènes d’empreinte chez l’homme ne serait pas acceptable, et produire des individus qui ne pourraient pas être en bonne santé ou viables n’est tout simplement pas une option », a déclaré Zhi-Kun Li, chercheur principal de l’étude.
Des recherches antérieures avaient montré que les souris ayant « deux mères » semblent plus petites et vivent plus longtemps que prévu. Ces récents travaux montrent quant à eux que les souris ayant « deux pères » grandissent trop et meurent prématurément. « Peut-être que les gènes d’empreinte paternels favorisent la croissance et que les gènes d’empreinte maternels la limitent, et que les animaux ont besoin des deux pour atteindre une taille saine », interprète Kotaro Sasaki, un biologiste du développement à l’Université de Pennsylvanie n’ayant pas pris part à ces travaux.
NDLR : Les chercheurs indiquent que les applications humaines « sont encore très éloignées ». Ils mettent en cause des procédures de laboratoire qui n’ont pas été établies pour les cellules humaines et les risques pour la santé. Toutefois, ils omettent toute réflexion éthique quant au fait de créer des êtres humains avec une double lignée paternelle.
[1] Adult bi-paternal offspring generated through direct modification of imprinted genes in mammals, Li, Zhi-kun et al., Cell Stem Cell, 28 Jan 2025, DOI: 10.1016/j.stem.2025.01.005
Sources : MIT Technology review, Jessica Hamzelou (28/01/2025) ; Trust my science, Miotisoa Randrianarisoa et J. Paiano (29/01/2025)