Emmanuel Sapin : « Restons fidèles à la perspective de l’homme soigné. Refusons celle de l’homme augmenté »

Publié le 26 Sep, 2018

A l’occasion de la publication de l’Avis 129 du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), le professeur Emmanuel Sapin, chef du service de chirurgie pédiatrique de l’hôpital d’enfants de Dijon, regrette que « l’évolution sociétale » conduise certains « à vouloir faire entrer dans le champ d’application des progrès scientifiques des applications non thérapeutiques ». Pourtant ces progrès visaient avant tout « le traitement des pathologies et l’art médical, le soulagement des souffrances ».

 

Il rappelle que, concernant la PMA, « la loi en vigueur permet de pallier l’infertilité d’un couple hétérosexuel vivant et en âge de procréer ou autorise d’y recourir pour éviter de transmettre à l’enfant une maladie d’une particulière gravité ». Introduire la possibilité d’y recourir en dehors du cadre pathologique « change la conception même de ce qu’est la PMA : il s’agit cette fois-ci d’accorder à une personne ce qu’il lui est impossible d’obtenir de par la nature (et non en raison d’une infécondité pathologique). Nous entrons dans une logique de l’homme augmenté artificiellement, au-delà de la nature humaine, et non plus de l’homme soigné ». Or, explique le professeur, « une augmentation des capacités de l’homme au-delà de ce que sa nature humaine permet augmente son corps lui-même. Toucher au corps en lui attribuant des possibilités hors de sa nature est un pas vers l’homme-machine et le transforme en une sorte de cyborg ».

 

Il s’inquiète que l’équité, un des principes fondateurs de l’éthique énoncés par Childress et Beauchamps, qui procède d’« une juste répartition des moyens (financiers et en temps consacré) » fasse l’objet d’une surenchère : « Attribuer des moyens pour une application qui sort du domaine cible de la thérapeutique, du soulagement de la souffrance induite par une pathologie, détourne l’application et les investissements financiers que l’on doit consacrer aux malades. Cette réflexion vaut également pour la gestation pour autrui (GPA) ». Une pratique que le praticien dénonce car les échanges entre la mère et l’enfant durant la grossesse marquent l’enfant de façon indélébile : « un enfant acquis par GPA arrivera déjà marqué par une vie – riche, ou plus souvent pauvre, en stimulations – passée chez une femme enceinte sans désir de l’enfant, neutre pour ainsi dire ; et l’on sait les répercussions sur le développement affectif, en particulier, d’un cadre neutre dans l’enfance ».

 

Emmanuel Sapin regrette les revendications qui s’apparentent à un « droit à l’enfant » alors que « la vie est un don que l’on reçoit, et non un dû que l’on peut exiger et contrôler ». Pour lui, « rompre avec la nature (…) n’est pas sagesse ».Et il ajoute : « Légiférer en ce sens pour répondre à des préoccupations individuelles, c’est oublier le souci du bien commun, qui devrait être la tâche du politique. Les perspectives vertigineuses des avancées technologiques imposent une réflexion, de prendre du recul, pour ne pas être entraînés dans un solutionnisme à court terme ». Il exhorte : « Restons fidèles à la perspective de l’homme soigné. Refusons celle de l’homme augmenté ».

Le Figaro (25/09/2018)

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