Du 21 au 23 mai dernier, s’est tenu l’International Summit Global Observatory for Genome Editing [1] à Cambridge dans le Massachusetts [2]. Réunissant les dirigeants des principales organisations scientifiques des Etats-Unis, d’anciens responsables de la Maison Blanche et le chercheur à l’origine du traitement CRISPR « sur mesure » dévoilé récemment (cf. Un bébé traité par une thérapie CRISPR « personnalisée »), le sommet entendait « compléter » les trois sommets internationaux sur l’édition du génome humain qui se sont tenus en 2015, 2018 et 2023 (cf. Edition du génome : un troisième sommet international). Ainsi, plutôt que de se concentrer d’abord sur les nouvelles percées scientifiques et technologiques, il s’est penché sur « les multiples interprétations du sens de l’être humain – culturelles, juridiques, religieuses et scientifiques » – et leurs implications pour les projets de biotechnologie [3].
Abandonner l’approche « science et technologie d’abord »
A l’issue du sommet, le comité d’organisation [4] a publié une déclaration appelant à l’élaboration d’une « charte sur les technologies émergentes et la dignité humaine » qui « énoncerait des principes visant à mieux organiser les relations entre les technologies émergentes et la société dans son ensemble » et « guiderait la science et la technologie vers des innovations bénéfiques ».
La déclaration liste plusieurs principes qui pourraient servir de base à la rédaction d’une telle charte. Le premier invite à abandonner l’approche « science et technologie d’abord » et à « commencer par les questions de dignité humaine et de bien commun ». En effet, « une focalisation trop étroite sur les risques des innovations écarte les questions fondamentales de la dignité humaine, de la finalité et du progrès ». Ainsi, « les questions touchant à notre avenir commun ne doivent pas être définies uniquement en fonction des innovations scientifiques et technologiques, mais doivent tenir compte de définitions plus démocratiques des besoins et des souhaits de la société », considère le comité d’organisation du sommet.
Il préconise également d’« élargir l’éventail des questions abordées ». Prenant l’exemple de l’acceptabilité de l’édition du génome héréditaire, il pointe qu’il ne s’agit pas « principalement » d’une question technique sur la précision de la technologie ou ses effets [5], mais « avant tout » d’« une question de relations humaines et d’obligations mutuelles – parent à enfant, médecine à patients, société à ses membres, Etats à leurs citoyens, et communauté mondiale au patrimoine commun de l’humanité »[6].
Protéger la dignité de l’être humain
Le sommet recommande enfin de « repenser les limites de la recherche », en les définissant de « manière nouvelle et responsable », en tenant compte des conséquences à long terme et des générations futures.
Ainsi, le sommet de 2025 entend tracer une voie à suivre. Interrogeant la notion de compassion, qui oblitère régulièrement la réflexion bioéthique, ses participants ont promu la culture d’un « esprit d’humilité », reconnaissant que « la dignité de la vie humaine, dans toute la diversité de ses significations, doit être protégée contre les risques de violation et de dégradation ». Des mots qui seront transformés en actes jusque dans les pratiques des laboratoires ? (cf. Des bébés génétiquement modifiés ? « Inacceptable à l’heure actuelle » pour les scientifiques)
[1] Les vidéos sont disponibles ici et les actes publiés par the CRISPR Journal.
[2] Il a été organisé par l’Observatoire mondial pour l’édition du génome, une coalition d’universitaires formée en 2020.
[3] Center for Genetics and Society, Fourth Summit on Genome Editing Emphasizes Ethical and Societal Concerns (29/05/2025) ; Stat news, Megan Molteni, At a major genome-editing summit, spotlight turns to the value of human life (27/05/2025) ; Genetic engineering and bioetechnology news, Kevin Davies, Global Observatory Gathers to Expand Debate on Human Genome Editing (21/05/2025)
[4] Jacob Moses, PhD, Ben Hurlbut, PhD (Arizona State University), Sheila Jasanoff, PhD (Harvard University) et Kris Saha, PhD (University of Wisconsin)
[5] comme les événements hors cible
[6] « En tant que biologiste ayant étudié la complexité des relations génotype-phénotype, je reste convaincu que l’édition génétique humaine restera toujours du domaine de l’expérimentation incontrôlée », affirme Stuart Newman, du New York Medical College, dans une contribution qui souligne les limites des appels à un « large consensus sociétal ».
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