« Droit à l’aide à mourir » : l’essentiel du texte sur lequel les députés vont se prononcer

26 Mai, 2025

Samedi 24 mai, les députés ont terminé l’examen en première lecture de la proposition de loi relative au « droit à l’aide à mourir ». Que contient ce texte sur lequel les élus doivent se prononcer le 27 mai ? Décryptage.

La proposition de loi compte désormais 19 articles. 89 amendements ont été adoptés sur les 2691 proposés par les députés.

L’inscription dans le Code de la Santé publique

Avec l’article 1 de la proposition de loi, le titre du chapitre 1er du livre 1er de la 1ère partie du Code de la Santé publique deviendra « Information des usagers du système de santé, expression de leur volonté et fin de vie ».

La mention « Ce droit comprend la possibilité d’accéder à l’aide à mourir dans les conditions prévues à la section 2 bis du chapitre Ier du présent titre et de recevoir une information, délivrée sous une forme compréhensible de tous, concernant cette aide » sera ajoutée à la suite de l’article L1110-5 du Code qui dispose : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. »

Par cette inscription dans le Code de la Santé publique, l’« aide à mourir » est considérée comme un soin.

L’instauration d’un « droit à l’aide à mourir »

L’article 2 définit le « droit à l’aide à mourir ». En effet, les députés [1] ont refusé l’emploi des mots « euthanasie », « suicide assisté » ou même « aide active à mourir ». Ils veulent en outre instituer cette procédure comme étant un « droit ».

L’euthanasie, une exception… tout du moins en théorie

Le gouvernement a souhaité rétablir l’euthanasie comme une exception lorsque la personne « n’est pas en mesure physiquement » de s’administrer la substance létale.

Le stress pourra-t-il relever d’une « incapacité physique » ? Les débats dans l’hémicycle ont montré que ce n’est pas exclu [2] (cf. Les députés adoptent le « droit à l’aide à mourir » : une « trajectoire vertigineuse »).

Des critères d’accès pour certains très flous et très larges

Cinq critères cumulatifs ont été définis par les législateurs à l’article 4 : 1/ Etre âgé d’au moins dix‑huit ans ; 2/ Etre de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ; 3/ Etre atteint d’une « affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » ; 4/ Présenter une « souffrance physique ou psychologique » liée à cette affection, qui est « soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement » ; 5/ Etre apte à manifester sa volonté « de façon libre et éclairée »

La « phase avancée » est désormais définie « par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie ». La souffrance psychologique devra être « constante » et « une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir ».

En dépit de ces amendements, le texte reste « basé sur le ressenti subjectif de la personne, et donc largement accessible au-delà de la période de la fin de la vie », souligne le collectif Soins de vie (cf. « Phase avancée » : l’amendement du Gouvernement « n’apporte aucun élément tangible »). « L’affection grave et incurable recouvre la plupart des affections concernées par le régime des affections de longue durée », fait remarquer le collectif. « L’engagement du pronostic vital, sans horizon de court terme n’a pas de signification opérationnelle », explique-t-il. En outre, « les maladies incurables sont par définition caractérisées par un processus irréversible » et la « qualité de vie » est bien entendu « un élément également subjectif ».

Une demande sans forcément de trace écrite

La demande d’« aide à mourir » sera « écrite ou par tout autre mode d’expression adapté [aux] capacités » du patient (article 5). Elle pourra donc être simplement orale. Elle ne pourra toutefois pas être exprimée, ni confirmée, lors d’une téléconsultation.

La demande pourra être recueillie au « domicile » du patient ou « dans tout lieu où [il] est pris en charge » s’il ne peut se rendre chez son médecin. La personne dont le discernement est « gravement altéré » lors de la démarche de demande d’« aide à mourir » ne pourra pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée. L’évaluation de l’altération du discernement sera à la charge du médecin seul. Il n’est pas précisé sur quelles bases qualifier le discernement, le cas échéant,  de « gravement altéré » ou « simplement » altéré.

Une collégialité a minima, de procédure et non de décision 

La procédure collégiale (article 6) mise en place par le médecin référent réunira un collège pluriprofessionnel composé au moins d’un médecin spécialiste de la pathologie du patient – qui n’a pas d’obligation d’examiner le patient – et d’un auxiliaire médical ou aide-soignant. La réunion devra se tenir en présentiel, dans la mesure du possible. Le médecin pourra faire appel à l’avis de la personne de confiance, si le patient le souhaite, mais décidera seul in fine. Il en fera un avis écrit et motivé.

Aucun recours possible par les tiers

Seul le patient pourra contester la décision du médecin s’étant prononcé sur la demande d’« aide à mourir ». Dans le cas des majeurs protégés, la personne chargée de la mesure pourra toutefois effectuer un recours (article 12).

En revanche aucun recours n’est possible provenant de membres de la famille, de proches ou de la personne de confiance.

Une procédure expéditive

Le médecin devra rendre et notifier sa décision sous 15 jours (article 6). Le patient disposera ensuite d’un « délai de réflexion d’au moins deux jours » pour confirmer sa décision. Ainsi, un patient pourrait être euthanasié 4 jours après sa demande.

Le médecin réévaluera la « volonté libre et éclairée » du patient si la date retenue pour l’administration de la substance létale intervient plus de trois mois après la validation de la demande (article 7). Le texte voté en commission prévoyait un délai d’un an, interrogeant sur le caractère de « fin de vie ». Si, le jour dit, le patient demande un report de la procédure, une nouvelle date sera fixée si le patient le demande (article 9).

La présence d’un soignant imposée, « au cas où »

La procédure ne pourra avoir lieu dans les « voies et espaces publics » mais aucun autre lieu n’est exclu, y compris les services de soins palliatifs (article 7).

Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne « veille[ra] à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration ». Une fois la substance létale administrée, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne ne sera plus obligatoire. Toutefois, la proposition de loi amendée dispose qu’il devra se trouver « suffisamment près et en vision directe de la personne » qui met fin à ses jours « pour pouvoir intervenir en cas de difficulté » (article 9).

La mention « Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir » a été supprimée dans l’hémicycle.

Une clause de conscience sélective

Les médecins faisant valoir leur clause de conscience seront tenus de référer le patient à un confrère non objecteur (article 14). La clause de conscience a été refusée aux pharmaciens. Elle n’existe pas non plus pour les internes mais la ministre Catherine Vautrin a indiqué vouloir travailler sur le sujet lors de la navette parlementaire.

Les responsables d’établissement de santé seront tenus de permettre l’intervention de praticiens pratiquant l’« aide à mourir ». L’instauration de clauses d’établissement a été refusée.

Un « contrôle » a posteriori

Une commission de contrôle et d’évaluation sera en charge d’effectuer un contrôle a posteriori (article 15). Si « la commission estime que des faits commis à l’occasion de la mise en œuvre, par des professionnels de santé, des dispositions (…) sont susceptibles de constituer un manquement aux règles déontologiques ou professionnelles », elle saisira la chambre disciplinaire de l’ordre compétent. Initialement le texte prévoyait seulement qu’elle puisse le faire.

Si « des faits commis à l’occasion de la mise en œuvre des mêmes dispositions sont susceptibles de constituer un crime ou un délit », elle le signalera au procureur de la République.

L’instauration d’un « délit d’entrave »

Une personne qui se rendrait coupable d’« entrave au droit à l’aide à mourir » sera passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (article 17). Des sanctions qui ont été doublées en séance publique.

Le rejet de toutes les protections, que ce soit pour les patients ou les soignants

Lors des débats tous les amendements protecteurs ont été rejetés.

Du côté des patients, les majeurs sous tutelle ou curatelle, les personnes porteuses d’une déficience intellectuelle, les personnes atteintes d’un trouble psychiatrique, celles souffrant d’autisme ou de dépression sévère ou encore les personnes incarcérées, n’ont pas été exclues du dispositif.

Aucun délit d’incitation n’a été instauré. Le fait de faire vérifier le consentement par un magistrat ou l’absence de pression extérieure a été rejeté. De même celui de proposer systématiquement un accompagnement psychologique, ou la saisine d’un psychiatre en cas de doutes sur le caractère libre et éclairé de la demande [3].

L’instauration d’un contrôle a priori a été refusée, comme un délai de 48h minimum avant que le médecin ne rende sa décision.

Du côté des soignants, la proposition d’introduire le volontariat pour les médecins a été rejetée, de même que toutes les tentatives d’encadrement du délit d’entrave.

Ainsi, l’amendement suggérant que « l’infraction n’est pas constituée lorsque les propos invitent seulement à la prudence, à la réflexion, au débat d’idées en faveur de l’accompagnement et du soutien des personnes » a été rejeté. Tout comme celui proposant d’exclure du champ d’application de l’article « les psychologues et psychiatres dont les missions ont pour objet de soigner les personnes et de prévenir les conduites suicidaires ; les associations visant à écouter et soutenir les personnes qui ont ou peuvent avoir des pensées suicidaires ; les représentants des cultes qui peuvent accompagner et entourer des personnes qui ont ou peuvent avoir des pensées suicidaires ».

Des élargissements déjà attendus

Au cours des débats, l’objectif des promoteurs du texte est apparu clairement : faire adopter le « droit à l’aide à mourir » puis procéder par élargissements.

Certes les mineurs ne sont pas inclus dans le dispositif prévu actuellement par la proposition de loi et il ne sera pas possible d’effectuer une demande au moyen des directives anticipées. Pas encore. Ces dispositions, si la loi était votée, deviendront les revendications de demain.

Sandrine Rousseau (Ecologiste et Social) l’a reconnu sans fard : « Aucun pays n’ayant légalisé l’aide à mourir ne l’a ouverte d’emblée aux mineurs, dont les droits ont été acquis ultérieurement. Je propose de faire de même. Je ne doute pas que nous parviendrons à ouvrir l’aide à mourir aux mineurs. » Une franchise soulignée par Patrick Hetzel (Droite Républicaine) qui annonce « l’effet domino, typique des lois sociétales ». « Nous pouvons ce soir en prendre acte. »

Mardi, quand il s’agira de se prononcer sur la proposition de loi, les députés se laisseront-ils leurrer par l’étendard du texte « équilibré » ?

 

[1] Dans le sens où la disposition a été adoptée, il s’agit d’une majorité des députés présents au vote.

[2] La ministre de la Santé Catherine Vautrin a en effet déclaré : « Effectivement le cas du patient qui a dit oui, je m’auto-administre, mais qui, au moment de boire le produit, par exemple, ou de se l’injecter n’est pas en capacité, nécessite peut-être à ce moment-là un accompagnement »

[3] Même l’amendement du Gouvernement (2657) visant à s’assurer « qu’en cas de doute sérieux sur le discernement de la personne, le médecin consulte, dans le cadre de la procédure collégiale, un psychiatre ou un neurologue » a été rejeté.

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