« Nous, psychologues, psychiatres et psychanalystes, nous indignons face à une incohérence majeure : comment peut-on prétendre prévenir le suicide tout en légitimant, dans certains cas, la mort provoquée ? » « Plus de 600 psys » ont signé un appel pour s’opposer à la proposition de loi « relative au droit à l’aide à mourir ». Ils dénoncent un « double discours » « éthiquement et cliniquement insoutenable, et politiquement incohérent ».
« Un message terrible : certaines vies ne mériteraient plus d’être vécues »
« Comment soutenir nos patients contre la pulsion de mort qui les traverse, tout en validant que, pour certains, le passage à l’acte serait une solution ? », interrogent-ils.
« En autorisant l’euthanasie et le suicide assisté, la société envoie un message terrible : certaines vies ne mériteraient plus d’être vécues. Pour ceux qui vacillent déjà, ce signal peut suffire à les faire basculer », mettent-ils en garde. Or, « en tant que psys », « notre rôle est précisément d’aider les personnes en détresse à retrouver leur place dans le monde, à ne pas céder au sentiment d’inexistence ou au désir d’exclusion » rappellent ces professionnels. « Chaque jour, nous luttons pour redonner espoir à ceux que le désespoir submerge. Et nous savons que la souffrance psychique n’épargne personne ; surtout pas les personnes fragilisées par l’âge, l’isolement ou la maladie. »
Or « en supprimant l’interdit de donner la mort, ce ne sont pas seulement aux malades souffrant d’une maladie physique douloureuse et fatale à court terme, mais à toutes les personnes vulnérables, fragilisées par l’âge, la solitude, la précarité ou un trouble psychique, que l’on suggère implicitement qu’une fin anticipée est une solution qu’il faut envisager ».
« Une bombe à retardement pour la prévention du suicide »
« Légaliser la mort provoquée, c’est affirmer qu’il existe deux types de souffrances : celles qui méritent un accompagnement et celles qui justifieraient l’élimination de celui qui souffre », s’insurgent les psys. « Cette logique est une bombe à retardement pour la prévention du suicide », alertent-ils. Car « comment convaincre une personne désespérée de s’accrocher à la vie si la société elle-même admet que, dans certains cas, la mort est une issue légitime ? »
« Ne nous y trompons pas : ce projet de loi ne confère pas un « droit » aux plus vulnérables, il leur impose un fardeau », affirment les signataires. « Il valide leur peur d’être un poids pour les autres. Il prive d’une rencontre, d’une écoute, d’un accompagnement long et patient, toujours imprévisible mais qui ouvre toujours un lendemain possible. »
Ainsi, « les pays ayant légalisé une forme de mort provoquée, comme les Pays-Bas ou l’Oregon, voient leurs taux de suicide augmenter », soulignent les professionnels : « Aux Pays-Bas, les suicides non assistés ont grimpé de 28 % entre 2010 et 2021, tandis que dans les pays européens sans euthanasie légalisée, ils diminuent » (cf. Effet Werther : « En légalisant le suicide assisté et l’euthanasie, on banalise le suicide »).
« Nous refusons que la société devienne le bras armé des désespérés »
Ces psychologues, psychiatres et psychothérapeutes refusent « de devenir les témoins impuissants d’un système qui renonce à soigner, à accompagner; qui abandonne en somme ».Car « valider la mort comme réponse à cette souffrance psychique, c’est trahir nos patients », dénoncent-ils. « C’est inciter au suicide, c’est piétiner nos efforts, nos engagements, nos valeurs. » Finalement, « c’est une capitulation, pas une compassion ».
Les signataires l’affirment : « Nous serons toujours aux côtés de ceux qui souffrent. Nous refusons que la société devienne le bras armé des désespérés ». « L’histoire nous l’enseigne : le progrès d’une société se mesure à sa capacité de protéger et d’entourer les plus vulnérables, non à faciliter leur disparition. » Dès lors, « nous devons rester fidèles à ce qui nous définit : la solidarité, l’humanité et le soin ».