DPNI : la révolution génétique aux journées de l’ABM

Publié le 1 Juin, 2015

Les journées de l’Agence de biomédecine ont été, une fois encore, l’occasion de faire le bilan, et tracer les perspectives de nombreux sujets bioéthiques. Le diagnostic prénatal non invasif (DPNI) a été l’un des sujets d’importance, bien que la ministre de la santé n’ait pas choisi de l’évoquer une seule fois dans son discours d’ouverture, préférant insister sur le don d’organes sur donneur décédés après arrêt des thérapeutiques (Maastricht 3), la recherche sur l’embryon et le don d’ovocyte (cf. Gènéthique vous informe du 29 mai 2015).

 

Et pourtant, la révolution technologique en génétique est en plein essor, avec le DPN en avant garde

C’est ce que se sont attachés à expliquer Marc Delpech, du laboratoire de génétique de l’hôpital Cochin et Philippe Jouveaux, du CHRU de Nancy, membre de l’Inserm U954, lors de leur intervention sur “De l’innovation à la pratique – La révolution technologique en génétique“.  Le DPNI, issu de l’évolution du diagnostic prénatal depuis 1984 et de l’arrivée de la technologie du “grand séquençage” (NGS) en 2006, servira d’exemple phare.

Marc Delpech a rappelé l’histoire du Diagnostic prénatal (DPN), apparu en 1984. Pendant 10 ans, le DPN sera “long”, couteux”, parfois “non fiable“, “limité à peu de maladies”, “impossible dans certains cas”. A partir de 1995 et jusqu’en 2012, le DPN devient possible dans 95 à 98% des cas, “fiable”, et les “résultats sont donnés en quelques jours“. Et puis en 2013, grâce au grand séquençage, le DPNI fait sa place dans le paysage du DPN, et le révolutionne en profondeur.

Utilisé à l’origine pour déterminer le sexe du fœtus et son rhésus, pouvant être à l’origine d’incompatibilité avec la mère, il est aujourd’hui commercialisé pour dépister des maladies chromosomiques telles que les trisomies 21, 13 ou 18. Marc Delpech prédit que le DPNI sera utilisé pour “tout le DPN” : “Ce qu’on espère, c’est que demain le DPNI soit le DPN”.  Philippe Jouveaux semble tenter de modérer ces propos en affirmant que “le DPNI est un test dépistage, et non pas un test de diagnostic”.    

 

La problématique soulevée : comment utiliser un “déluge d’information” ?

La réflexion éthique que soulève Philippe Jouveaux porte sur le “vertige du savoir” quand le grand séquençage permet d’avoir une “vision panoramique” de l’être humain à travers son “génome“, son “transcriptome” et jusqu’à son “exposome” (l’impact de son environnement). En effet, Marc Delpech, a précisé les trois niveaux de séquençage : le séquençage ciblé, le séquençage de l’exome, et le séquençage du génome total. Or vraisemblablement, “c’est le séquençage du génome total qui remplacera” le séquençage ciblé actuel. Ce qui induira d’autant plus de problèmes déjà connus avec le DPNI (séquençage ciblé) : “Le gynécologue demande aujourd’hui au cytogénéticien s’il y a une trisomie 21, le cytogénéticien répond ‘ Non’, mais ajoute qu’il y a une translocation de chromosome. Que répondre à la femme alors ? La question est la suivante : Comment doit-on réagir face à cette information?”

  

Quid de la question éthique de la sélection prénatale ?

Les deux intervenants n’aborderont pas une seule fois l’enjeu de la sélection prénatale, déjà connue avec l’actuel dépistage de la trisomie 21.   

C’est le Pr Jean-Marie Jouannic, coordonnateur du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) de Trousseau, qui abordera la question à propos du fonctionnement des CPDPN, lors de son intervention sur “la prise en charge individuelle du diagnostic prénatal : le centre de diagnostic prénatal”.

Après avoir rappelé que le dépistage est un « acte médical collectif », qui «engage la société dans son ensemble ». Il reconnait que le dépistage de la trisomie 21 « soulève un certain nombre de questionnements », mais il refuse de le qualifier d’« eugénisme », puisqu’il n’est pas obligatoire, et que l’IMG après vérification du caryotype n’est pas imposée. Il encourage cependant une réflexion sur « la place que notre société laisse à la différence ».

En 10 ans d’activité, les CPDPN examinent de plus en plus de dossiers, représentant 3 à 5% des femmes enceintes, c’est-à-dire environ 40 000 grossesses. Ils délivrent 7200 autorisations d’IMG par an, un chiffre qui est en légère augmentation depuis les années 2000. Selon le Pr Jouannic, « ces chiffres démontrent que l’organisation permet d’avoir un exercice qui n’a pas conduit à des débordements ».

Par ailleurs le guide des bonnes pratiques en matière de CPDPN, publié en 2013, sera transformé en un arrêté qui doit paraître dans les prochains jours.

 

Ces interventions montrent une fois encore que la réflexion éthique du DPNI en ce qu’il pourrait contribuer, voire accélérer la sélection actuelle des fœtus trisomiques 21, a été évincée. Les interventions elles-mêmes étaient pensées séparément : d’une part l’activité du diagnostic prénatal aujourd’hui, d’autre part la technique du DPNI et du grand séquençage, un futur très proche, voire déjà effectif du DPN.

 

 

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