DPN : un amendement qui renforce la déontologie médicale

Publié le 15 Mar, 2011

Le Dr. Patrick Leblanc, gynécologue-obstétricien à Béziers répond, dans une tribune du Quotidien du médecin, à l’appel lancé par le Dr. Nicolas Fries, président du Collège d’échographie foetale, critiquant un amendement sur le dépistage prénatal (DPN) adopté à l’Assemblée nationale le 15 février 2011 (Cf. Synthèse de presse du 22/02/11).

    L’amendement en question, apporté à l’article 9 du projet de loi de bioéthique, sur le DPN,  précise, dans son alinéa 4, que le DPN est proposé par les médecins "lorsque les conditions médicales le nécessitent" et non de manière systématique. Les médecins qui le récusent estiment qu’il va à l’encontre du droit à l’information du patient. Ce  point de vue "repose en réalité sur une interprétation inexacte de la loi" explique le Dr. Leblanc: "le fait de proposer les examens de biologie médicale et d’imagerie à toute femme enceinte "lorsque les conditions médicales le nécessitent" est non seulement en totale conformité avec les principes du code de déontologie médicale mais, mieux, il les renforce !"

    Il rappelle d’abord que l’alinéa 4 voté par les députés se réfère au principe de la liberté de prescription des médecins, tel qu’il a été établi dans le code de déontologie médicale, qui précise que "dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qu’il estime les plus appropriées en la circonstance". L’amendement indique donc qu’il appartient au médecin "d’ajuster une réponse de prescription à un examen objectif de la situation du patient, de son propre état". En outre, Le droit de la santé publique ainsi que les organismes d’assurance-maladie et de santé, tant nationaux qu’internationaux, ne recommandent de réaliser les "examens de dépistage qu’à partir d’un certain seuil de risque et jamais de manière systématique pour toute la population". Pourquoi en irait-il autrement dans le cas du suivi de la grossesse ? interroge le Dr. Leblanc. Le risque, par exemple, d’attendre un enfant atteint de trisomie 21 "varie considérablement selon l’âge de la future mère". La distinction qu’un médecin doit faire entre ses patients n’a rien à voir avec "un défaut d’équité, ni un manquement à un principe de justice", elle est "une adaptation  personnelle du médecin à chaque cas qui est au fondement de l’art médical". Tel qu’il est pratiqué aujourd’hui en France, le dépistage prénatal de la trisomie 21 "déroge à l’ensemble des critères définis par l’OMS pour justifier l’organisation d’un dépistage".

    En outre, cet amendement renforce "le droit à l’information du patient sur ses véritables bases". Selon le code de la santé publique, "toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé […] dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables". Dans le code de déontologie médicale, ces règles disposent notamment que "le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information (…) appropriée à son état". Dans le cas d’une jeune femme enceinte de 25 ans, qui ne conviendrait "qu’il serait absurde et traumatisant pour elle de l’informer de tous les risques potentiels de maladies, de handicaps et d’accidents (souvent à risque plus élevés que la trisomie, voire mortels) qu’elle-même et son bébé encourent" ? Elle a besoin de recevoir "une information adaptée à sa situation, que seul le médecin peut apprécier. Comme il n’y a pas d’équation "état de grossesse" = "risque uniforme de trisomie 21", informer obligatoirement cette femme d’un risque relèverait de la mise en œuvre d’une politique de santé publique d’éradication de tous les êtres atteints de cette pathologie".

    Enfin, le Dr. Leblanc revient sur la critique selon laquelle l’alinéa 4 abandonnerait la prescription du dépistage au "bon vouloir" des médecins en fonction de leur "convictions personnelles". Au contraire, c’est "lorsque les conditions médicales le nécessitent" que le dépistage est proposé. De plus, les hypothétiques "convictions personnelles", toujours utilisées pour confisquer un débat nécessaire à l’ensemble de la société et aux professionnels de la grossesse déplacent le véritable débat. "En 2011, le danger n’est pas dans la sous-information des patientes, il réside dans la pratique eugénique actuellement constatée. Nous devons prémunir notre démocratie de dérives techno-scientifiques qui sont contraires aux droits de l’Homme".

    Si elle ne veut pas faire des médecins des "prescripteurs automatiques de tests, souvent inutiles, toujours anxiogènes", la loi de bioéthique doit respecter ces deux principes : la liberté de prescription et le droit à l’information du patient.

Le Quotidien du médecin 15/03/11

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